La 1re édition des Journées philosophiques d'Alger se tiendra les 17 et 18 octobre prochains au palais de la culture Mufdi-Zakaria, à l'initiative de l'essayiste Razika Adnani en collaboration avec le ministère de la Culture et de la maison d'édition Lazhari Labter. Soutenu par plusieurs sponsors-médias, l'événement consiste en un cycle de conférences sous le thème générique d' «Autrui». Plusieurs universitaires, penseurs et écrivains traiteront de différentes questions philosophiques liées à notre «rapport à l'autre, à soi et à l'Histoire». Ainsi, la fondatrice de ces journées, Razika Adnani, donnera une conférence intitulée «Autrui ou l'œil indiscret» qui s'articule autour du caractère foncièrement intrusif du contrat social, notamment en Algérie, en ce sens que cette intrusion «est considérée par certains comme un devoir moral destiné à empêcher l'autre de commettre le mal, et comme un moyen de préserver la société de toute altération». Or, l'universitaire souligne également qu'il en découle une souffrance morale et une «relation délétère avec cet autrui, notamment s'il s'immisce dans la sphère privée». A partir de là, l'intervenante tentera de produire des éléments de réponse à cette problématique principale. «Comment réaliser la cohésion sociale sans que le regard d'autrui soit affrontement et souffrance ?» Razika Adnani est maître de conférences à l'université populaire de Caen et auteure de plusieurs ouvrages dont Le blocage de la pensée musulmane est-il bénéfique ou maléfique à l'islam ? (Afrique-Orient, Maroc 2011) et La nécessaire réconciliation (Dalimen, Alger 2013). Le 7e art sera également présent dans ses rencontres à travers la conférence de Ahmed Bedjaoui qui abordera le thème «L'image d'autrui dans le cinéma algérien». Cette question sera traitée à la lumière des productions cinématographiques nationales depuis l'indépendance et les différents contextes historiques dans lesquels elles ont vu le jour, à commencer par la période coloniale jusqu'à celle postindépendance : « Comment l'Algérien a été représenté dans l'iconographie coloniale ? Comment cet être est-il devenu, dans le regard et les objectifs des occupants qui l'ont dépossédé, «l'autre», revêtant le costume de l'indigène, puis de l'étranger ? Au lendemain de l'indépendance, comment le cinéma national a-t-il traité de la résistance nationale et l'affirmation d'une identité nationale ?» Le critique de cinéma se penchera donc sur la représentation clivée qui a toujours marqué les productions des deux côtés : autant la plupart des films français traitant du contexte algérien se caractérisaient par une imagerie simpliste et schématique du personnage «indigène», autant la sémantique des œuvres majoritairement commandées et financées par le jeune Etat indépendant reprenait, dans le sens inverse, les mêmes codes manichéens et non moins justifiés compte tenu à la fois de la tendance soviétique en vogue à l'époque et de l'esprit de revanche historique après 132 ans d'occupation française. Pour rappel, Ahmed Bedjaoui est l'auteur de deux ouvrages de référence sur la question : Images et visages et Cinéma et guerre de libération. De son côté, le chercheur universitaire Saïd Djabelkhir axera sa communication sur la représentation paradoxale de l'autre dans les programmes scolaires et son impact sur la société algérienne : «Tandis que l'enseignement de la philosophie définissait l'autre comme l'alter ego de soi, les cours d'éducation islamique le décrit comme le mécréant, l'apostat.» L'intervenant tente ainsi d'analyser le regard porté par l'Algérien sur cet Autre souvent confondu avec l'ancien oppresseur colonialiste, ce qui produit un sentiment de méfiance, voire de haine, non seulement envers l'étranger mais aussi envers l'autre algérien qui ne s'inscrit pas dans le même moule culturel, religieux, régional, intellectuel, etc. Saïd Djabelkhir est un spécialiste en théologie islamiste et plus précisément dans le soufisme. Parmi ses ouvrages : Soufisme et création, Les zaouïas et les références religieuses en Algérie et prochainement La tariqa aissaouia en Algérie et Fondation et discours de l'Association des oulémas. Dans un autre registre, la sociologue Feriel Lalami s'intéressera à la non-reconnaissance, pour cause d'essentialisation, du rôle important de la femme dans la prise en charge des personnes vulnérables. De son côté, l'écrivain et professeur universitaire Mohamed Lakhdar Maougal abordera les thèmes de l'altérité et de l'altruisme à travers deux textes qu'il considère comme fondamentaux : L'étranger de Camus et Etrangers à nous-mêmes de Julia Kristeva... Plusieurs autres conférenciers participeront à ces rencontres qui constituent, selon leur fondatrice Razika Adnani, une opportunité pour «donner à la philosophie la place qu'elle mérite au sein de la société afin d'élaborer une grille d'analyse plus que jamais nécessaire vu que notre mode de vie, les enjeux politiques, économiques et sociaux nous exposent à des questionnements fondamentaux.»