La tension est montée d'un cran entre l'Iran et l'Arabie Saoudite qui a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran après l'attaque de son ambassade suite à l'exécution d'un dignitaire religieux chiite pour "terrorisme", ce qui a suscité des appels au calme pour éviter toute escalade dans la région. Cette crise entre les deux pays s'est déclenchée après l'application de la peine de mort samedi en Arabie Saoudite contre le dignitaire religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr, opposant critique du royaume, une action qui a été immédiatement suivie d'une réaction violente de manifestants qui ont attaqué et incendié l'ambassade saoudienne à Téhéran. Nimr Baqer al-Nimr, 56 ans a été exécuté samedi avec 46 personnes condamnées pour "terrorisme", dont la majorité pour des attentats attribués au réseau Al-Qaïda. Nimr avait été condamné à mort en octobre 2014 pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d'armes" par un tribunal de Ryadh spécialisé dans les affaires de terrorisme. Son arrestation en juillet 2012 s'était déroulée de manière mouvementée et deux de ses partisans avaient été tués au cours des manifestations qu'elle avait provoquées. En réaction, des centaines de manifestants en colère ont lancé des cocktails Molotov contre l'ambassade saoudienne dans laquelle ils ont pénétré. Le consulat saoudien à Machhad (nord-est) a également été attaqué. Par ailleurs, la police saoudienne a été la cible dimanche soir de tirs qui ont tué un civil dans le village natal de cheikh Nimr, et recherchait les auteurs de cette attaque, selon l'agence de presse saoudienne SPA. Suite à l'incident à l'ambassade saoudienne, qui été déploré par les autorités iraniennes, Ryadh s'est empressé de rompre les relations diplomatiques avec l'Iran, exigeant "le départ sous 48H des membres de la représentation diplomatique iranienne" et accusant l'Iran d'"ingérences négatives et agressives dans les affaires arabes". Auparavant, le président iranien Hassan Rohani, tout en condamnant l'exécution de cheikh Nimr, a qualifié "d'injustifiables" les attaques contre l'ambassade, l'Ayatollah Khamenei a appelé à "éviter l'escalade". Téhéran parle de décisions "précipitées et irréfléchies" de Ryadh Dans ce contexte de tensions croissantes entre les deux pays, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Amir Abdollahian, a indiqué que "par le passé, l'Arabie saoudite a également commis une erreur stratégique en adoptant des décisions précipitées et irréfléchies qui ont provoqué l'insécurité et le développement du terrorisme dans la région". Téhéran a accusé Ryadh de chercher à aggraver les "tensions dans la région" et affirmé que la rupture des relations diplomatiques n'effacerait pas "l'erreur stratégique" qu'a été l'exécution de Nimr Baqer al-Nimr. M. Abdollahian a également fustigé le royaume saoudien pour "avoir porté atteinte aux intérêts de son propre peuple et aux peuples musulmans de la région avec le complot de faire baisser les prix du pétrole". L'Iran estime que Ryadh a joué un rôle primordial dans la baisse des prix du pétrole, en maintenant sa production à un niveau très élevé. De plus, l'Iran, puissance régionale, s'oppose à l'Arabie saoudite au sujet des crises qui sévissent dans la région, en Syrie, en Irak, au Yémen ou encore à Bahreïn et au Liban. Les tensions entre les deux pays risquent d'aggraver la situation dans la région. Appels au calme L'annonce de l'exécution de cheikh Nimr Baqer al-Nimr a provoqué par ailleurs la colère des communautés chiites du royaume saoudien, d'Irak, du Liban et de Bahreïn, et a été condamnée par les Nations unies, les Etats-Unis, l'Union européenne et plusieurs pays de la région. Se disant "particulièrement préoccupés" par cette exécution, les Etats-Unis appellent les dirigeants de la région à "redoubler d'efforts pour enrayer l'escalade des tensions régionales". Washington estime qu'une "implication diplomatique et des discussions directes demeurent essentielles pour travailler en dépit des divergences et nous continuerons à appeler les dirigeants de la région à prendre des mesures positives pour calmer les tensions". Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait auparavant appelé "au calme et à la modération dans les réactions à l'exécution" et demandé "à tous les dirigeants de la région de chercher à éviter l'exacerbation des tensions. Pour la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, "ce cas a le potentiel d'enflammer un peu plus les tensions sectaires qui font déjà beaucoup de dégâts dans la région". Lors d'une conversation téléphonique avec le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, elle a condamné l'exécution du Cheikh Al-Nimr, disant qu'elle pourrait "propager le sectarisme et l'extrémisme" dans la région. Federica Mogherini a déclaré, dans un communiqué, qu'elle avait longuement parlé de cette exécution lors d'un entretien avec son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, et émis l'espoir que les tensions entre l'Iran et l'Arabie Saoudite n'aient pas d'impacts négatifs sur les négociations de paix en Syrie. De son côté, l'Algérie "suit avec une vive préoccupation l'escalade de la tension entre le Royaume d'Arabie Saoudite et la République islamique d'Iran, et regrette profondément la dégradation des relations difficiles entre les deux pays frères en une crise ouverte", a indiqué lundi le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. L'Algérie appelle "instamment les Directions politiques des deux pays à la retenue afin d'éviter une détérioration accrue de la situation qui aurait des conséquences dommageables graves au double plan bilatéral et régional, dans un contexte géopolitique et sécuritaire particulièrement sensible", ajoute le communiqué.