Nimr Baqer Al-Nimr était le meneur du mouvement de protestation qui avait éclaté en 2011 dans l'est de l'Arabie saoudite. C'est dans cette région que vit l'essentiel de la minorité chiite criant à la marginalisation. Ce qui a valu à Al-Nimr une condamnation à mort en octobre 2014 pour sédition, désobéissance au souverain et port d'armes par un tribunal de Riyad. Le fossé se creuse entre la minorité chiite qui crie à la marginalisation et le régime saoudien, en faisant tache d'huile dans le monde musulman malade de la guerre de leadership entre l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite. La « colère des jeunes », légitimée par son frère Mohammed Al-Nimr espérant toutefois « un mouvement de protestation pacifique », accompagne les déclarations incendiaires de Téhéran qualifiées d'« irresponsables » par son rival saoudien. Outre le « prix élevé », l'Iran, procédant à la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade saoudienne, estime que l'exécution du dignitaire chiite Al-Nimr et des 46 autres condamnés aura des répercussions dans le monde musulman. Les premiers signes de tension se manifestent. Le consulat à Machhad a été incendié et l'ambassade d'Arabie saoudite à Téhéran attaquée par des manifestants en colère. Dérapages ? L'arrestation de 40 personnes dûment identifiées et la protection des représentations diplomatiques exigée par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hossein Jaber, ne signifient aucunement le retour au calme. En Irak, Khalaf Abdelsamad, chef du bloc parlementaire du parti chiite Dawa du Premier ministre Haïder Al-Abadi, a appelé à la fermeture de l'ambassade saoudienne, à l'expulsion de son ambassadeur et à l'exécution de tous les « terroristes saoudiens » emprisonnés en Irak, selon un communiqué de son cabinet. Le cycle des représailles se nourrit de l'indignation chiite croissante et la condamnation saoudienne de la « flagrante ingérence dans les affaires du royaume ». Le monde occidental observe l'exacerbation des « tensions communautaires » qui inquiète Washington qui appelle à l'apaisement et qui, selon la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, « le potentiel d'enflammer un peu plus les tensions sectaires qui font déjà beaucoup de dégâts dans la région ». Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui se dit « profondément consterné par l'exécution des 47 condamnés, a appelé « au calme et à la modération ». Assurément, les feux de la fitna consument le monde musulman rangé en camps irréductibles. Dans le camp sunnite, un soutien sans équivoque est apporté à l'Arabie saoudite « pour faire face au terrorisme et à l'extrémisme », comme le proclame le ministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis. Au Bahreïn, qui subit de plein fouet une rébellion de la majorité chiite, la fracture confessionnelle se consume dans l'appui de Manama réitéré à l'Arabie saoudite pour « toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la violence et l'extrémisme », alors que dans le village d'Abou Saïba, à l'ouest de la capitale, des manifestations ont été organisées pour dénoncer l'exécution du leader chiite. Ouvrez grand les yeux sur les avatars du GMO essaimant la bombe à retardement confessionnelle. Et, plus encore, observez la double victoire algérienne sur le terrorisme à visage religieux et, aussi, les feux de la fitna alimentés par la guerre de leadership régional qui fait rage aujourd'hui au Golfe.