L'officialisation de Tamazight, annoncée dans l'avant projet de révision de Constitution, est une "reconnaissance" de "l'identité" algérienne, ont affirmé mercredi des chercheurs-universitaires, insistant sur l'impératif de la prise en charge de la future académie par des "spécialistes" de renom. "C'est une décision qui s'inscrit dans le bon sens, celui de la démocratie linguistique et de la reconnaissance linguistique. C'est également une reconnaissance de l'Algérie et de l'Algérianité", a déclaré à l'APS, Abderrezak Dourari, Professeur des sciences du langage à l'Université d'Alger II et aussi Directeur du Centre de Tamazight, relevant du ministère de l'Education nationale. Cette officialisation aura des conséquences "très positives sur l'apaisement de l'ensemble des obsessions identitaires qui ont accompagné l'histoire récente de l'Algérie, depuis les années 30 du siècle dernier", a ajouté le spécialiste. Cet apaisement, a-t-il poursuivi, devra permettre à la société algérienne de se consacrer à des défis "très importants" liés au développement économique, scientifique, au savoir etc. M. Dourari analyse la question de deux points de vue, le premier étant liée à la "symbolique" et au "politique", ce qui signifie, explicite-t-il, que "l'Etat s'est conformé avec son identité historique, qu'il a mis un point final au conflit historique et culturel qui a accompagné son indépendance. Ce qui signifie nécessairement, une meilleure adhésion de la société à son Etat". L'autre lecture qu'impose, à ses yeux, cette reconnaissance est d'ordre "pragmatique", à travers la mise sur pied d'une académie dédiée à Tamazight et qui, selon lui, permettra "précisément de donner les instruments conceptuels à cette langue pour intégrer progressivement les domaines formels ou officiels". "On espère que sa mise en place se fera sur la base d'une conception sereine, objective et fondamentalement scientifique, c'est à dire un collège d'experts et ce, dans l'intérêt de l'unité de la nation," a-t-il observé, avant de conclure: "C'est une manière de récompenser les efforts de tous les intellectuels et militants de la cause berbère". Allant dans le même sens, l'écrivain-journaliste et chercheur de la cause amazighe, Abdesselem Abdennour, tient à exprimer son "énorme satisfaction" à la suite de cette officialisation, précisant que ce faisant, l'Etat a entrepris une "réparation effective d'une injustice à l'endroit de la langue berbère, depuis 1962 et qu'il ne peut plus ignorer l'évidence linguistique du pays". Une mesure sage et perspicace Qualifiant cette mesure de "sage" et de "perspicace", il a estimé que celle-ci signifie que "toutes les formes de contestation engagées depuis l'indépendance n'auront plus de raison d'être". Il s'agit à présent, d'être "à l'écoute de toutes les propositions qui seront émises pour la mise en oeuvre de la décision, à savoir, explique-t-il, des "dispositions techniques pour l'usage de Tamazight dans les différents domaines de la vie". Le chercheur affiche, à ce propos, son appréhension que la future académie se transforme en un "piége" pour imposer des points de vue "idéologiques", à l'exemple de la graphie de la langue. M. Abdesslem espère, en revanche, que cette institution soit prise en charge par des "spécialistes" de renom. Il tient à préciser, par ailleurs, que l'annonce de l'officialisation intervient "au bon moment", dans la mesure où, contrairement aux pionniers de la revendication identitaire berbère, il existe depuis plus d'une décennie, une "nouvelle génération" de militants, formés par les universités algériennes sur des "bases scientifiques, académiques et linguistiques". Pour sa part, le journaliste écrivain et chercheur en patrimoine, Rachid Oulebsir, qualifie d'"importante" l'officialisation de tamazight, suggérant pour que celle-ci soit composée d'un conseil de représentants issus du mouvement associatif, lequel élira les experts ainsi que les universitaires qui se chargeront de la "modernisation" et de l'"universalisation" de la langue.