Ouvert depuis deux ans à la concurrence par un texte de lois, en réponse à une forte attente populaire et professionnelle, le secteur de l'audiovisuel en Algérie reste toutefois marqué par "une certaine anarchie sur le terrain", s'accordent à dire responsables et professionnels du secteur. Assimilée à une "révolution copernicienne", tant elle accompagne et renforce le développement et la démocratie, cette ouverture, tant espérée, avait vu le jour dans le cadre des réformes politiques engagées en 2011 par le président de la République et dont la consolidation de la liberté d'expression constitue la pierre angulaire. Cette ouverture a été confortée par la mise en place de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (ARAV), une institution prévue par la loi relative à l'activité audiovisuelle, adoptée par le Parlement en 2014, afin de réguler le champ audiovisuel en Algérie et consolider la mission du service public. Elle veille notamment à l'impartialité et est chargée de garantir l'objectivité et la transparence, à la promotion et au soutien et de la culture nationale et au respect de l'expression plurielle des courants de pensée et d'opinion. De l'avis même de l'ancien président de l'ARAV, Miloud Chorfi, le secteur de l'audiovisuel connais une véritable "anarchie" dans sa gestion, relevant que sur plus de 40 chaînes de télévision privées qui diffusent leurs programmes en Algérie, seulement cinq détenaient des accréditations. Le même responsable avait qualifié, à maintes reprises, de "dépassements répétés" certains programmes de chaînes de télévision privées en les assimilant à des "erreurs de débutant". Dans ce sillage, l'ARAV avait convoqué des responsables de certaines chaînes privées pour leur adresser des avertissements verbaux pour "des dépassements", leur rappelant l'obligation du respect des règles déontologiques et des valeurs morales de la société. De son côté, le ministre de la Communication, Hamid Grine, commentant le contenu des chaînes de télévision privées, avait indiqué que des responsables de celles-ci avaient été convoqués et que des "lignes vertueuses" leur ont été tracées, notant, au passage, que "certaines de ces chaînes ont changé". Pour ce qui est de la base juridique de ces chaînes, le ministre avait fait savoir que la plupart d'entre-elles sont de droit international, donc n'étaient pas accréditées et versaient parfois "dans l'outrage". Il a, dans ce sillage, affirmé qu'aucune chaîne de télévision ou de radio ne pouvait être créée, sans l'accord des autorités, soulignant que la tolérance de l'Etat a des "lignes rouges qu'il ne faut pas franchir". "Aucune chaîne de télévision ou de radio ne peut être créée sans l'accord des autorités. L'Etat algérien a été extrêmement tolérant, mais cette tolérance a des lignes rouges qu'il ne faut pas franchir", avait-il martelé récemment. A une question sur l'accréditation des chaînes algériennes de droit étranger, M. Grine avait soutenu que "le moment venu" des fréquences (actuellement au nombre de 13) seront "allouées", précisant qu'"il reviendra à l'autorité de régulation de déterminer les chaînes de télévision qui répondent au cahier des charges". Absence des textes d'application de la loi sur l'audiovisuel De l'avis même de spécialistes, le secteur de l'audiovisuel ou la scène médiatique algérienne, sont entachés "d'anarchie" et de "pagaille indescriptible". Pour Laïd Zeghlami, spécialiste des médias et professeur en journalisme a estimé que ces chaînes privées "ne répondaient pas aux critères de crédibilité et de professionnalisme". "Le secteur baigne en plein flou et dans une pagaille généralisée", a-t-il dit, affirmant que l'autorité de régulation avait fait "de la figuration" et qu'"au lieu de prendre des décisions fermes, elle adressait plutôt de simples mises en garde". M. Zeghlami a imputé cette "anarchie" à l'absence des textes d'application de la loi sur l'audiovisuel de 2014, relevant qu'une fois les textes publiés, l'Etat peut notamment en déterminer le capital des ces chaînes et en préciser le contenu des programmes. Il a également mis l'accent sur "l'absence" d'un cahier des charges "bien défini" pour éviter "les partis pris et la partialité" dans le traitement des différents événements de l'actualité nationale, en plus du statut juridique qui reste "encore ambigu". "Il faut mettre un système audiovisuel performant répondant aux attentes de la population, comme ça se fait ailleurs, et qui assure le service public", a-t-il plaidé. Lui emboîtant le pas, Wahiba Belhadji, enseignante à l'Ecole supérieure de journalisme et des sciences de l'information, a estimé que le secteur baignait en "pleine anarchie" et dans une concurrence "déloyale". Elle a ajouté que ces chaînes de télévision étaient mues par "la recherche du sensationnel", au détriment du travail d'information pour répondre au service public. "Ces chaînes mettent l'accent sur la vie privée des gens, au lieu de fournir des informations de qualité aux citoyens et emploient de jeunes diplômés, dépourvus de toute formation, avec des salaires dérisoires et dénués de tout professionnalisme", a-t-elle regretté. Elle a estimé qu'il fallait, pour mettre fin à cette situation, établir un cahier des charges "clair" entre l'autorité de régulation et les propriétaires de ces chaînes pour que le secteur "acquière ses lettres de noblesse", répondant ainsi aux besoins du citoyen à accéder à une information "crédible" et "utile" dans sa vie quotidienne.