Dimanche 8 mai, l'Algérie sera au rendez-vous avec la commémoration des massacres commis par la France coloniale dans le sillage de la victoire sur le nazisme et la libération de Paris (1945). Soixante-et-onze ans après les massacres de populations algériennes dans le Constantinois, qui revendiquaient pacifiquement le recouvrement de leur souveraineté, les Algériens observeront un moment pour le souvenir et le recueillement à la mémoire des milliers de victimes d'une répression sans précédent. Les pratiques répressives de la machine de guerre coloniale ont fait le 8 mai de cette année-là, 45.000 morts principalement à Sétif, Guelma et Kherrata. La féroce répression qui s'était abattue sur les victimes innocentes avait, paradoxalement, coïncidé, ce jour-là, avec la joie exprimée par les alliés suite à leur victoire sur la nazisme, marquant la fin de la 2e guerre mondiale. Ce jour de liesse en Europe, était pour les Algériens, le début d'une répression brutale, marquée, pendant plusieurs semaines, par des actes innommables dans de nombreuses villes de l'Est. Le summum de la férocité s'était, indéniablement, traduit, par les enfumades organisées par des soldats en furie. Des centaines de villageois qui s'étaient réfugiés dans des grottes furent enfumés par des fagots de broussailles à l'entrée-sortie des grottes. La puissance coloniale venait ainsi de livrer sa réponse au désir exprimé par les Algériens de recouvrer leur liberté. Ce fut aussi le début d'une longue lutte armée comme l'écrivait, à ce propos, l'historien Mohamed Harbi : "la guerre d'Algérie commence à Sétif". La position de la France officielle sur les crimes commis pendant la colonisation, si elle connut un glissement sémantique, évoluant de "tragédie inexcusable" soulignée par l'ancien ambassadeur français à Alger , Hubert Colin de Verdière à "l'insulte aux principes fondateurs de la République française" de son successeur Bernard Bajolet en passant par la reconnaissance par François Hollande des "souffrances infligées par la colonisation" dit toutefois ne pas être dans "l'acte de repentance". Le geste du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, Jean Marc Todeschini, en avril 2015, qui a consisté à déposer une gerbe de fleurs au mausolée de la première victime de ces événements, qualifié de "fort" et "concret" n'a pas été, lui aussi, jugé "suffisant" pour clore le dossier de la reconnaissance, par la France, de ses crimes de guerre. Pour le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, la France "reconnaitra tôt au tard, les crimes de guerre contre l' humanité qu'elle a commis en Algérie pendant 132 ans". L'Algérie inscrit la célébration, chaque année, de cette date, dans une logique de transmission du message aux générations qui n'ont pas vécu les affres du colonialisme, a-t-il précisé dans une de ses récents déclarations. Les générations montantes ont le droit de tout savoir sur les pratiques répressives des politiques coloniales" a encore dit le ministre des Moudjahidine. La vérité sur ces pratiques reste toutefois inaccessible aux Algériens. "2 % seulement de la totalité des archives, qui sont un bien et un droit de l'Algérie, ont été restitués par la France" a fait savoir M. Zitouni. Un dossier qui reste en suspens aux côtés de ceux inhérents aux disparus pendant la guerre d'indépendance et aux indemnisations des victimes des essais nucléaires dans le Sahara.