Le consensus sur l'absence de souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental "se renforce", a affirmé, Me Gilles Devers, l'avocat du Front Polisario, dans l'affaire opposant ce dernier au Conseil de l'Union européenne (UE) sur l'accord UE-Maroc de libéralisation des échanges des produits agricoles et de la pêche, soutenant que l'avis de l'avocat général de la Cour de justice de l'UE à ce sujet est "…limpide…". "… Le consensus se renforce : le Royaume du Maroc n'a aucune souveraineté sur le Sahara occidental…", a-t-il déclaré au réseau international d'organismes et de militants… qui œuvre pour la préservation des ressources naturelles au Sahara Occidental occupée, WSRW (Western Sahara Resource Watch). Pour Me Devers, l'avis de l'avocat général de la CJUE, rendu le 13 septembre dernier, "est limpide"á: Le Sahara occidental demeure un territoire non autonome et les accords UE-Maroc ne lui sont pas applicables. Il a fait remarquer que le Conseil de l'UE qui représente les 28 Etats membres de l'Union et la Commission européenne ont créé la notion de "…puissance administrante de facto" pour justifier l'application de l'accord au Sahara occidental. "…Une notion qui ne correspond à aucune catégorie juridique connue en droit international. Ils ont inventé ce non-sens juridique pour justifier l'injustifiable", s'est-il insurgé. Il a dénoncé, à ce titre, la manipulation de l'avis de l'ancien conseiller juridique de l'ONU, Hans Corell, par le Conseil et la Commission, soulignant que Hans Corell, un juriste respecté, n'aurait jamais pu écrire que le Maroc est la "puissance administrante de facto" du Sahara occidental. "Il a d'ailleurs protesté très explicitement contre la mauvaise interprétation du Conseil et de la Commission", a-t-il indiqué, rappelant que Hans Corell a souligné clairement, dans son avis, que la puissance administrante doit obtenir le consentement du représentant du peuple du territoire non autonome dans l'exploitation de ses ressources naturelles. Bien que le Conseil et la Commission se sont appuyés, dans leurs plaidoiries, sur leur théorie " de facto", ils n'ont clairement pas convaincu l'avocat général, s'est félicité Me Devers, soulignant qu'''au contraire, l'avocat général Wathelet estime que le Conseil n'explique nullement comment il serait juridiquement possible d'appliquer sur un territoire déterminé un accord conclu avec un pays sans reconnaître une quelconque compétence ou autorité juridique de ce pays sur ce territoire ". Pour Me Devers, "ceci marque la fin de l'excuse de l'UE de la " puissance administrative de facto", soulignant qu'en privant le Maroc des avantages économiques générés par son occupation illégale du Sahara occidental, l'avis de l'avocat général ouvre la voie vers l'autodétermination. "A partir de maintenant, les institutions européennes devront se confronter à la réalité, à savoir que, n'ayant aucun droit de souveraineté sur le territoire sahraoui et aucun mandat international pour l'administrer, le Maroc occupe le Sahara occidental au sens du droit international humanitaire", a-t-il plaidé. Au cours de la procédure, le Conseil et la Commission ont reconnu que l'accord d'association et l'accord 2012 étaient appliqués au Sahara occidental. Ils ont admis que les produits originaires du Sahara occidental bénéficient effectivement du traitement préférentiel prévu par l'accord d'association UE-Maroc, selon l'avocat du Front Polisario qui assure qu'il est également établi que l'Office alimentaire et vétérinaire de la Commission a inspecté les installations des producteurs marocains situés au Sahara occidental en 2001, 2005 et 2012 afin de s'assurer que ces producteurs marocains respectent les règles sanitaires de l'UE et donc que leurs produits peuvent être exportés vers le marché européen dans le cadre de l'accord d'association. Cependant, pour Me Devers, les principaux éléments qui permettront de prouver l'extension de l'accord UE-Maroc au territoire du Sahara occidental, sont les listes des exportateurs agréés. "…En ce qui concerne l'accord commercial UE conclu avec le Maroc, 140 exportateurs marocains agréés au titre de l'accord d'association sont implantés au Sahara occidental ... Et sur ces listes, le Sahara occidental est désigné conformément au droit interne marocain…", a-t-il précisé, soulignant, dans ce contexte, qu'il est plutôt artificiel de maintenir que les accords UE-Maroc ne sont pas applicables aux ressources naturelles sahraouies parce qu'ils ne peuvent pas, en droit, être applicables au Sahara occidental. En réalité, a-t-il poursuivi, les activités économiques au Sahara occidental sous l'égide de l'accord d'association et l'accord 2012 ont eu lieu sur une base quotidienne. La Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (COMADER), qui représente les agriculteurs marocain l'a confirmé. "...Au cours des audiences devant la Cour de justice, elle a même revendiqué que ses membres situés au Sahara occidental ont exporté dans le cadre de l'accord d'association et de l'accord de 2012…", a-t-il affirmé. Evoquant le statut du Front Polisario, Me Gilles Devers a soutenu que ce dernier a la capacité d'ester en justice devant les juridictions de l'Union, assurant que l'avocat général de la CJUE est allé plus loin que le Tribunal, en considérant que le Front Polisario est un mouvement de libération nationale doté de la personnalité juridique internationale. La qualité de puissance administrante de l'Espagne à l'égard du Sahara occidental, soulevée par l'avocat général de la CJUE dans ses conclusions, "ne fait aucunement obstacle…" à ce que le Front Polisario défende les intérêts du peuple sahraoui devant les juridictions européennes, selon Me Devers. "…D'une part, l'Espagne et le Polisario ont des mandats différents qui ne se chevauchent pas. En tant que puissance administrante du Sahara occidental, l'Espagne représente un territoire non-autonome, alors que le Front Polisario représente le peuple souverain qui vit sur ce territoire", a-t-il expliqué.