Les eurodéputés Florent Marcellesi et Judith Sargentini ont exhorté vendredi la Commission européenne à examiner en "urgence" l'affaire du navire l'Albiz qui pourrait impliquer une potentielle violation du droit européen et international en raison de la cargaison qu'il transporte et qu'il aurait chargé au Sahara occidental sans le consentement du peuple sahraoui. "Nous souhaitons attirer votre attention immédiate sur une question urgente qui implique potentiellement une violation grave de la législation de l'UE, de la jurisprudence de la Cour européenne de justice et du droit international concernant nos relations commerciales avec le Sahara occidental", ont-ils écrit dans une lettre adressée à la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini et aux commissaires européens chargés du commerce et des affaires économiques, respectivement, Cecilia Malmstr?m et Pierre Moscovici. Dans leur lettre, les députés européens ont affirmé que le navire, dont la nature de la cargaison reste inconnue, a quitté le port de Laâyoune au Sahara occidental occupé le 23 avril dernier et se dirige actuellement vers le port de Dordrecht aux Pays-Bas. Sargentini et Marcellesi se sont dits "préoccupés" par le fait que l'expédition soit originaire du Sahara occidental, ce qui pourrait "impliquer une violation directe du récent jugement de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)" qui a conclu le 21 décembre dernier que les accords d'association et de libéralisation UE-Maroc ne s'appliquent pas au Sahara occidental. La récente jurisprudence de la CJUE exclue définitivement le territoire du Sahara occidental du champ d'application des accords d'association et de libéralisation conclus entre l'UE et le Maroc, et reconnaît sans aucune ambigüité au peuple sahraoui le droit à l'autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses ressources naturelles comme énoncé par la Charte des Nations unies. Dans son arrêt, la CJUE reconnaît également au peuple sahraoui le droit d'être reconnu comme un tiers susceptible d'être affecté par la mise en œuvre des accords UE-Maroc, qui doit ainsi donner son consentement quant à l'exploitation et à l'exportation de biens en provenance de son territoire. Il s'en suit de cette jurisprudence que toute importation de produits en provenance du territoire du Sahara occidental au sein du marché européen sans l'accord du peuple sahraoui ne jouit d'aucune base légale. "Etant donné que nous avons des raisons de croire que les règles applicables concernant la cargaison du navire Albiz n'auraient peut-être pas été respectées (...) nous appelons la Commission, en tant que gardienne de la législation européenne, à examiner cette question avec la plus grande urgence et saisir les autorités néerlandaises et espagnoles compétentes en vue de prendre les mesures appropriées à l'égard de ce navire", ont-ils exigé. Nécessité d'inspecter le navire Albiz pour évaluer les documents de sa cargaison Ces députés européens ont jugé "urgente" et "nécessaire" une inspection du navire Albizpour clarifier la nature et la situation juridique de sa cargaison et pour s'assurer que le navire ne poursuive pas son parcours si son expédition transgresse le droit européen. Dans une autre lettre adressée au Consul général d'Espagne à Amsterdam (Pays-Bas), l'eurodéputé Marcellesi a demandé au consul de procéder à l'inspection de la cargaison à bord de l'Albiz à son arrivée à Dordrecht conformément aux dispositions de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, notamment l'article 5, alinéa K et L. En effet, l'article 5 de la Convention de Vienne précise les fonctions consulaires et cite, entre autres, dans l'alinéa K que le Consul peut exercer les droits de contrôle et d'inspection prévus par les lois et règlements de l'Etat d'envoi sur les navires de mer et sur les bateaux fluviaux ayant la nationalité de l'Etat d'envoi et sur les avions immatriculés dans cet Etat, ainsi que sur leurs équipages. Dans l'alinéa L de cet article, il est souligné que le Consul peut prêter assistance aux navires, bateaux et avions mentionnés à l'alinéa k de l'article 5, ainsi qu'à leurs équipages, recevoir les déclarations sur le voyage de ces navires et bateaux, examiner et viser les papiers de bord et, sans préjudice des pouvoirs des autorités de l'Etat de résidence, faire des enquêtes concernant les incidents survenus au cours de la traversée et régler, pour autant que les lois et règlements de l'Etat d'envoi l'autorisent, les contestations de toute nature entre le capitaine, les officiers et les marins. Le député européen a appelé le Consul général d'Espagne à Amsterdam à examiner l'origine et la documentation des marchandises à bord de l'Albiz pour vérifier si cette dernière est conforme au droit européen. Selon l'Observatoire des ressources naturelles au Sahara occidental (WSRW), l'Albiz, actuellement en route vers le port de Dordrecht, transporte une nouvelle cargaison de sel, pour De Nederlandse Zoutbank (DNZB), une société privée spécialisée dans le stockage du sel de dégivrage. DNZB fournit à son tour des municipalités néerlandaises en sel. Le navire, poursuit la même source, se trouve actuellement au large de la côte nord-ouest de l'Espagne, à hauteur de Saint-Jacques-de-Compostelle. Il devrait arriver à Dordrecht le 30 avril. Le 23 avril 2017, le BBC Magellan - un autre navire cargo battant pavillon Antigua Barbuda - est arrivé au port de Dordrecht, aux Pays-Bas, transportant une cargaison de sel chargée dans le port de Laâyoune, au Sahara Occidental occupé, a encore fait savoir WSRW. Le navire a quitté Laâyoune le 15 avril et s'est dirigé directement vers Dordrecht. Une source au port de Dordrecht a confirmé à WSRW que le sel était acheté par De Nederlandse Zoutbank (DNZB).