La condamnation d'un avocat défenseur des droits de l'Homme du mouvement de protestation du Rif marocain (Hirak), par la justice marocaine, est un "dangereux précédent" et une manoeuvre visant à "faire taire toute critique sur la manière dont les forces de sécurité gèrent les manifestations", a dénoncé Amnesty International (AI). Dans un communiqué diffusé lundi, l'ONG a souligné que l'avocat Abdessadak El Bouchattaoui a été condamné le 8 février, pour ses publications en ligne, par le tribunal de première instance d'Al Hoceïma (dans le Rif) à 20 mois de prison et à une amende. Il était accusé d'avoir posté sur le réseau social Facebook des informations sur des violations des droits humains et d'avoir "critiqué" les forces de sécurité. Il était notamment inculpé d'"outrage à des représentants de l'Etat", "menace et outrage à des organes publics" et "contribution à l'organisation d'un rassemblement non autorisé et interdit", souligne AI. L'ONG note que cette dernière accusation faisait référence à une publication sur Facebook, dans laquelle il déclarait qu'il participerait à une manifestation locale le 20 juillet 2017 en tant qu'observateur. "Dans le cadre de la répression générale visant les manifestations du Hirak, les autorités harcèlent désormais ceux qui défendent les manifestants du Hirak et ont convoqué au moins deux autres avocats spécialisés dans la défense des droits humains en raison de leurs publications sur Facebook", a rapporté l'organisation. Elle a ajouté qu'entre mai et novembre 2017, les forces de sécurité ont arrêté au moins 410 personnes pour des accusations en lien avec les manifestations. "Plus d'une dizaine de manifestants sont actuellement jugés pour avoir exercé leur droit de rassemblement pacifique et encourent jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. D'autres, dont des mineurs, ont été placés en détention provisoire pendant des périodes allant jusqu'à six mois", affirme AI. L'organisation précise que le tribunal a présenté à titre de preuves 114 posts d'Abdessadak El Bouchattaoui publiés sur son compte Facebook personnel, ainsi que des commentaires adressés à des médias marocains, dans lesquels il critiquait "le recours à la force excessive par les forces de sécurité contre des manifestants pacifiques". "Cette sentence est arbitraire, inique et bafoue la liberté d'expression. C'est une décision politique et nous allons faire appel", a déclaré l'avocat, cité dans le communiqué. Amnesty relève que certains articles du Code pénal marocain "criminalisent l'exercice du droit à la liberté d'expression, en violation de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Maroc est partie, et vont également à l'encontre de la Constitution marocaine de 2011". AI exhorte les autorités marocaines à annuler "immédiatement" la condamnation de l'avocat et de tous les manifestants pacifiques, défenseurs des droits de l'Homme et journalistes "poursuivis ou détenus uniquement parce qu'ils ont exercé sans violence leurs droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique".