Des centaines de personnes ont participé vendredi, en fin d'après-midi, à un sit-in devant le siège des institutions européennes à Bruxelles pour exprimer leur solidarité avec les détenus de la contestation populaire qui secoue, depuis sept mois, El-Hoceïma, ville de la région du Rif, dans le nord du Maroc. Aux cris de " El-Hoceima en danger", " Non à la militarisation du Rif " ou encore " Non aux arrestations et aux kidnapping ", les Marocains de Belgique se sont rassemblés pas loin de la place du rond point Schuman, à quelques encablures du siège de la Commission européenne et du Conseil de l'Union européenne à Bruxelles pour exiger la libération du leader du mouvement de contestation, Nacer Zefzafi et de toutes les autres personnes arrêtées depuis vendredi dernier. Les participants au rassemblement, organisé à l'initiative du comité bruxellois du suivi du décès de Mohcine Fikri, brandissaient une banderole avec le portrait du leader emprisonné de la contestation, Nacer Zefzafi et d'autres barrées d'un "Arrêtez-nous, nous sommes tous des activistes", "Nous sommes tous des Zefzafi", ou encore "Etat corrompu". "Dignité pour le Rif", "Makhzen dégage", clamaient les participants au sit-in dont certains brandissaient des drapeaux amazigh et un portrait géant d'Abdelkrim El Khetabi, chef du mouvement de résistance contre la France et l'Espagne lors de la guerre du Rif. Halte à la militarisation, libérez les prisonniers, El- Hoceïma assiégée, ont également scandé les protestataires qui ont, comme leurs compatriotes à El-Hoceïma, juré fidélité au Rif. Des slogans récurrents depuis le début du mouvement de contestation qui secoue le nord du Maroc vers la fin de l'année dernière, à la suite du décès de Mohcine Fikri, un vendeur de poisson mort broyé dans une benne à ordure à El Hoceïma. Les organisateurs du rassemblement ont dénoncé, en outre, la corruption, la dilapidation des deniers publics, le sous développement de la région, la répression des manifestants, exigeant la libération des militants du "Hirak errif". Mené par un groupe de militants locaux, ce mouvement "Hirak errif " pose de nombreuses revendications pour le développement du Rif qu'il estime marginalisé. Les organisateurs du sit-in ont promis, par ailleurs, de mener d'autres actions de solidarité avec les détenus du mouvement à travers notamment des contacts avec des organisations de défense de droits de l'homme pour les informer des " violations des droits de l'homme et des libertés générales " commises par l'Etat marocain dans le Rif. Le rassemblement s'est déroulé sans incidents et s'est dispersé trois heures plus tard sous le regard vigilant des forces de la police bruxelloise, déployées en nombre pour empêcher un éventuel débordement et sécuriser les lieux. Leader de la contestation populaire qui secoue depuis octobre la région du Rif, Nasser Zefzafi a été interpellé lundi matin par la police pour "atteinte à la sécurité intérieure". Depuis la diffusion vendredi d'un mandat d'arrêt le visant, El-Hoceïma au Nord du Maroc est en effervescence, des manifestations nocturnes y sont organisées après la rupture du jeûne depuis quelques jours. Selon des médias internationaux, la police marocaine a procédé depuis vendredi à une quarantaine d'arrestations, visant essentiellement le noyau dur du " Hirak errif ". Vingt-cinq des personnes arrêtées ont été déjà déférées devant le parquet. Mais, leur procès qui s'est ouvert mardi a été reporté au 6 juin, à la demande de leurs avocats qui ont dénoncé des "mauvais traitements" pendant leur détention.
AI dénonce les "arrestations massives" des manifestants Pour sa part, l'organisation de protection des droits de l'Homme établie à Londres, Amnesty International, a dénoncé vendredi, les "arrestations massives" des manifestants au Rif du Maroc. "Les autorités marocaines ont mené une vague d'arrestations contre des dizaines de manifestants, militants et blogueurs, dans le Rif, au nord du Maroc au cours de la dernière semaine, après des mois de manifestations visant à mettre fin à la marginalisation et pour un meilleur accès aux services dans la région", a déclaré AI dans un communiqué. L'ONG souligne que certains manifestants détenus se sont vu refuser l'accès à leurs avocats pendant leur garde à vue. Certains "portent des marques visibles de blessure", selon des avocats, cités par AI. Amnesty dit craindre également que les manifestants pacifiques et les blogueurs qui couvrent les manifestations sur les réseaux sociaux puissent être accusés d'atteinte à la sécurité de l'Etat. "Nous craignons que cette vague d'arrestations ne soit une tentative délibérée de punir les manifestants du Rif après des mois de dissidence pacifique. Il est essentiel que les autorités marocaines respectent le droit à la liberté d'expression et de réunion", a soutenu l'ONG. Elle ajoute que les accusés ne doivent pas se voir refuser le droit à un procès équitable. Les autorités devraient également veiller à ce que les militants pacifiques ne soient pas condamnés pour des accusations erronées juste pour avoir participé à des manifestations. Pour rappel, la vague de manifestations qui secoue le Rif marocain s'est répandue dans d'autres régions du pays et la tension s'est amplifiée, après l'arrestation du leader de la protestation, Nasser Zefzafi, par les autorités marocaines. "Entre le 26 et le 31 mai 2017, les forces de sécurité ont arrêté au moins 71 personnes suite à des manifestations à Al Hoceima et dans les villes voisines d'Imzouren et Beni Bouayach", affirme AI. Au moins 33 personnes ont été inculpées par le procureur de la monarchie, à Al Hoceima. Une demande de libérer 26 manifestants en détention préventive a été refusée et l'affaire a été ajournée jusqu'au 6 juin, relève AI. "Beaucoup ont déclaré à leurs avocats avoir été insultés ou menacés de viol par les agents qui les ont arrêtés. D'autres ont déclaré qu'ils ont été forcés de signer des rapports d'interrogatoire falsifiés", rapporte Amnesty. L'ONG s'inquiète également du transfert de trente manifestants, arrêtés entre le 26 et le 31 mai, à Casablanca pour interrogatoire devant la police judiciaire (BNPJ), un organisme qui s'occupe des crimes graves en relation à la sécurité de l'Etat et au terrorisme. Amnesty trouve "profondément alarmant" que les autorités envisagent des accusations relatives à la sécurité de l'Etat pour punir les militants qui participent aux manifestations pour des revendications sociales. AI a également exprimé des "inquiétudes" sur le viol du principe de préemption d'innocence dans le cas de Zafzafi et d'un autre militant arrêté avec lui, et sur le traitement "inhumain et dégradant" dont ils sont victimes.
Les journalistes autres victime des arrestations Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé vendredi les exactions contre des journalistes venus couvrir les manifestations, qui secouent le Rif (Maroc) depuis la mort du vendeur de poissons Mohcine Fikri, broyé dans une benne à ordure en octobre 2016, alors qu'il tentait de récupérer sa marchandise saisie par la police. Indiquant qu'elle a déjà recensé deux arrestations, trois disparitions et l'expulsion d'un journaliste algérien, Djamel Alilat, l'ONG a estimé que les autorités marocaines veulent étouffer les événements dans le Rif. "Le 28 mai 2017, Djamal Alilat, grand reporter du journal algérien El Watan, a été interpellé à Nador. Il a été depuis expulsé du territoire marocain après avoir passé plus de 24h en détention, sans que l'on lui restitue son matériel saisi", a rappelé RSF dans un communiqué, soulignant que "les autorités ont invoqué l'absence d'une autorisation de tournage, prétexte trop souvent utilisé et soumis à l'arbitraire au vu du manque de transparence dans les critères d'octroi de ces autorisations et de l'absence d'une notification de refus motivée dans des délais raisonnables". Pour Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF, "il est essentiel de laisser les journalistes et journalistes-citoyens couvrir les événements du Rif, au risque sinon de voir cette région devenir, comme l'est actuellement le Sahara occidental, une zone de non-droit pour l'information "indépendante", appelant les autorités marocaines à libérer les journalistes-citoyens marocains actuellement détenus pour avoir exercé leur droit d'informer et de faire cesser les menaces et les poursuites à leur encontre. Le Maroc est à la 133e place au Classement mondial de la liberté de la presse 2017 de RSF, rappelle-t-on.