Quelque 400 rifains venus du Maroc, des Pays-Bas, d'Allemagne, de Belgique, de France et d'Espagne ont lancé mercredi, depuis le siège du Parlement européen à Bruxelles, un appel à l'Union européenne (UE) pour faire pression sur les autorités marocaines afin qu'elles "rompent avec le traitement purement sécuritaire et répressif" de la crise qui secoue le Rif et "respectent les droits fondamentaux des prisonniers politiques". Lors d'une conférence organisée par l'eurodéputée néerlandaise Kati Piri sur la situation dans le Rif, l'avocat marocain Abdessadik El Bouchattaoui s'est dit "intrigué par le silence de l'UE sur les évènements qui ont secoué le Rif", exhortant la Commission et le Parlement européens à "s'intéresser à la situation dans cette région et aux revendications des rifains", mais surtout à "se saisir de la question des violations des droits de l'homme" au Rif. "L'UE peut peser sur la politique du gouvernement marocain au Rif eu égard au partenariat approfondi qui la lie au Maroc et doit faire pression sur lui pour qu'il respecte les droits de l'homme", a-t-il estimé. L'Europe, a-t-il poursuivi, "doit exprimer sa reconnaissance aux Rifains et oeuvrer pour que tous les détenus soient libérés et leurs revendications satisfaites". Il a rappelé, dans ce contexte, que les Rifains ont contribué à la libération de l'Europe de l'Allemagne nazie et à sa reconstruction après la deuxième guerre mondiale. Cet avocat, lui même condamné à 20 mois de prison pour avoir critiquer l'approche sécuritaire adoptée par les autorités marocaines en réponse au soulèvement populaire dans la région du Rif, a soutenu que cette approche "va créer une nouvelle zone de tension susceptible de déstabiliser le Maroc, mais également toute la région". Plusieurs autres participants à la conférence ont suggéré à l'UE de lier le respect des droits de l'homme à l'aide au développement accordée au Maroc où à lui retirer le "statut avancé" dont il jouit dans la mesure où il n'a pas respecté les engagements pris dans le cadre de ses accords avec l'Union, notamment celui relatif au respect des droits de l'homme. De son côté, Mme Houda Sekkaki, épouse du prisonnier politique Habib Hamoudi, a appelé l'UE à activer le chapitre relatif au respect des droits de l'homme prévu dans la cadre de l'accord d'association UE-Maroc et à oeuvrer pour la libération de tous les détenus rifains, soulignant qu'ils sont des "détenus d'opinion". La soeur du détenu politique Abdelali Houdoe, Mme Farida Houdoe a exhorté le Parlement européen à "faire pression sur le régime marocain" pour obtenir la libération de tous les détenus rifains et le respect de leurs droits fondamentaux. Cette activiste a dénoncé le caractère "arbitraire" du procès des prisonniers politiques rifains et les conditions "inhumaines" de leur détention, affirmant que les détenus rifains sont "maltraités, torturés et humiliés quotidiennement par les gardiens de prisons". ===Appel à une enquête internationale sur les conditions de détention des prisonniers=== Ahmed Zefzafi, père de Nasser Zefzafi le leader du mouvement de contestation populaire dans le Rif (Hirak) a appelé le Parlement européen à mettre en place une commission chargée d'enquêter sur "les conditions de détention des prisonniers politiques rifains" et sur "les mauvais traitements infligés à ces détenus". Il a invité également les membres du Parlement européen à visiter El-Hoceima pour s'enquérir de la situation. Reconnaissant que l'UE ait "jusqu'ici fermé les yeux sur la situation désastreuse dans la région du Rif", l'eurodéputée Kati Piri a regretté, à l'occasion, qu' "aucun effort sérieux ne soit fait pour attirer l'attention des autorités marocaines sur les violations des droits de l'homme" dans le Rif. "Le Maroc est un pays voisin (...) de l'UE, ce qui implique également un dialogue honnête sur le respect des droits fondamentaux de tous les citoyens. L'UE doit être claire dans sa demande de libérer tous les prisonniers politiques", a-t-elle ajouté. Selon cette eurodéputée, la situation au nord du Maroc affecte également l'UE. Citant des données de l'agence Frontex, Kati Piri a affirmé que de nombreux rifains sont allés, en 2017, demander l'asile à l'Espagne. "Si nous continuons à fermer les yeux sur la situation au Maroc, le nombre de demandeurs d'asile de cette région augmentera encore. La leçon tirée de la crise des réfugiés de 2015 est que nous devons nous attaquer efficacement aux causes profondes de la migration. Par conséquent, l'UE doit placer la situation des droits de l'homme au Maroc en tête de son agenda", a-t-elle plaidé. La députée européenne Marie-Christine Vergiat a assuré, pour sa part, les Rifains de son soutien, annonçant la tenue d'une nouvelle rencontre sur la situation au Rif lors de la prochaine session du Parlement européen à Strasbourg (France). "Quand on empêche les ONG de faire leur travail, c'est qu'on a quelque chose à cacher", a estimé cette eurodéputée qui a affirmé que "les droits fondamentaux des Rifains sont, aujourd'hui, en danger". Elle en veut pour preuve les "lourdes peines" prononcées à l'encontre des prisonniers politiques rifains.