Après la reconnaissance par le président Emmanuel Macron d'un crime d'Etat dans l'emblématique affaire Maurice Audin, il doit poursuivre dans la reconnaissance des réalités de la colonisation, a appelé lundi un collectif d'intellectuels. "L''aventure coloniale de la France' a produit des conquêtes et des répressions de masse criminelles qui violèrent gravement les valeurs que la France proclamait par ailleurs et auxquelles elle continue à se référer. C'est son crédit qui est en cause", lit-on dans une tribune publiée par Médiapart et signée par François Gèze, Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio. Pour ces intellectuels, il reste pour les plus hautes autorités de l'Etat français "bien des choses" à dire pour "reconnaître par exemple les massacres de mai-juin 1945 en Algérie, ceux de 1947 à Madagascar, du 17 octobre 1961 à Paris, de Thiaroye au Sénégal en 1944 ou la répression meurtrière au Cameroun dans les années 1950 et 1960 ; ou encore l'esclavage meurtrier que constituait le travail forcé dans l'empire colonial". Pour eux, le "système de terreur" utilisé à Alger en 1957, outre Maurice Audin, "a fait des milliers d'autres victimes qui ont droit à ce que leur sort soit aussi reconnu, et il fut ensuite généralisé à toute l'Algérie par les tenants, civils et militaires, de la ‘guerre antisubversive'", rappelant que ce système fut enseigné ultérieurement par des militaires français auprès de diverses dictatures de par le monde. "Un véritable aggiornamento est absolument nécessaire, non pas pour satisfaire telle ou telle catégorie de citoyens français ou les peuples des anciennes colonies, non pas pour répondre à d'imaginaires et absurdes appels à la ‘repentance' – les responsables d'aujourd'hui n'ont évidemment pas à se ‘repentir' de crimes qu'ils n'ont pas commis eux-mêmes", ont-ils expliqué, soulignant que cet aggiornamento est "plus simplement nécessaire" pour que soient recouvrés l'honneur et la crédibilité" de la France, "dont le présent toujours conflictuel est indissociable de son histoire". Ils estiment que s'en tenir au seul geste de la reconnaissance de la responsabilité de l'armée française dans le meurtre d'Audin serait "s'arrêter au milieu du chemin". "De même que l'on ne peut s'en tenir à deux autres initiatives certes nécessaires (qui semblent désormais engagées), la restitution des objets africains spoliés et le retour des crânes de résistants algériens du XIXe siècle, conservés au Musée de l'homme", ont-ils ajouté. Ils considèrent que si le président Macron ne décide pas de s'engager "résolument" dans la voie d'une reconnaissance "pleine et entière" de ce que furent les "errements et les crimes" de la République française dans ses colonies, il "s'expose au risque de rester dans l'histoire comme celui qui aura simplement cherché à instrumentaliser, à des fins électorales, la ‘question coloniale'".