L'association Maurice-Audin et Histoire coloniale.net viennent de lancer un site 1000 autres.org qui comporte mille notices de personnes arrêtées par les militaires français à la même période que le mathématicien et qui ne sont jamais réapparues. Cette liste non exhaustive des disparus pourrait s'accroître avec de nouveaux signalements. En admettant la semaine dernière que l'assassinat de Maurice Audin a été rendu possible par un système politique légalement institué qui a favorisé les tortures et les disparitions pendant la guerre d'indépendance de l'Algérie, le président français, Emmanuel Macron, a rendu justice au mathématicien et à d'innombrables victimes de la machine de guerre française, enlevés, séquestrés, torturés jusqu'à la mort ou exécutés sommairement et dont les corps n'ont jamais été retrouvés. Combien d'Algériens ont connu ce terrible sort ? Macron a ouvert la boîte de Pandore. Il reste à savoir ce qu'il y a dedans. Pour y voir clair, des personnalités viennent de s'engager dans une quête consciencieuse de la vérité. Un site, 1000 autres.org, a été lancé samedi dernier par Histoire coloniale.net (une plateforme animée par l'association Histoire coloniale et postcoloniale où figurent des historiens, Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio), et l'association Maurice-Audin. Plusieurs médias se sont associés à cette démarche et la soutiennent. "Les 1 000 autres" fait référence à une liste de 1 000 disparus de la Bataille d'Alger, qui ont connu le même sort que Maurice Audin. La plupart des noms sont portés sur des fiches de renseignements que Fabrice Riceputi a comptabilisés au cours de ses recherches, aux Archives nationales d'Outre-Mer (Anom), notamment, où il a mis la main sur un fichier de la préfecture d'Alger qui comporte 850 noms. D'autres cas de disparitions, provenant de sources diverses, ont été rajoutés au décompte. Les noms des disparus figurent sur des notices qui peuvent être consultées sur 1000 autres.org. En les rendant publiques, Histoire coloniale.net et l'association Maurice-Audin espèrent recueillir des informations et des témoignages, qui peuvent renseigner sur le sort réservé aux victimes. Elles s'attendent aussi à ce que la liste grossisse à la suite de nouveaux signalements. Les deux organisations lancent d'ailleurs un appel à témoignages, pour étayer les faits autour des multiples disparitions. Des personnes ont déjà réagi. Elles ont trouvé sur la liste les noms de leurs proches portés disparus. Pour Pierre Mansat, président de l'association Maurice-Audin, cette initiative, si elle aboutit, permettra à de nombreuses familles de faire totalement leur deuil. Il évoque notamment le cas de Maurice Audin en affirmant que le souhait de son épouse Josette et de ses enfants est de savoir où son corps a été enterré. Pierre Mansat lance à cet égard un appel aux autorités algériennes pour aider la famille dans ses recherches et d'accepter que des fouilles soient engagées sur la base des témoignages fournis dans cette affaire et que des tests ADN soient effectués. Mais au-delà, il estime que la question des disparitions pose avec justesse le problème de la torture pendant la guerre d'Algérie. "La disparition de Maurice Audin est un symbole", a affirmé, de son côté, l'historienne Sylvie Thènaut, il y a quelques jours, sur Radio France Culture, ajoutant que "cette fonction symbolique fait qu'on peut généraliser à partir de son cas". "On peut aller au-delà de la Bataille d'Alger, en s'inscrivant dans le cadre de la dénonciation de la pratique de la torture, dans le prolongement d'une figure emblématique telle que celle d'Henri Alleg", a-t-elle conclu. S. L.-K.