L'affaire Maurice Audin remonte une nouvelle fois en surface. Elle attend toujours réparation. Depuis quelques années, plusieurs appels ont été lancés en direction des autorités françaises sans que cela n'aboutisse à une réhabilitation de la vérité historique concernant ce militant de la première heure, engagé pour l'indépendance de l'Algérie et le triomphe de la liberté. Hier encore, une quarantaine de personnalités ont appelé à faire «la vérité historique sur l'assassinat» de Maurice Audin, dans une lettre adressée à Emmanuel Macron à l'occasion des 60 ans de la disparition du jeune mathématicien communiste disparu à Alger en juin 1957. Composé d'intellectuels, d'historiens, de journalistes et d'anciens appelés du contingent ainsi que des personnalités issues de la société civile, ce collectif refuse de croire à la thèse officielle de l'évasion défendue pendant longtemps. «Nous pensons qu'à l'occasion de ce triste soixantième anniversaire, la vérité historique relative à cet assassinat doit enfin être connue. Le 5 mai, devant la rédaction de Mediapart, vous avez (Emmanuel Macron NDLR) déclaré : ‘'De fait, je prendrai des actes forts sur cette période de notre histoire''», ont précisé les signataires, dans une lettre ouverte au nouveau président français. Parmi les signataires de cette lettre ouverte, les historiens Gilles Manceron, Benjamin Stora, Alain Ruscio et Raphaëlle Branche. «Nous pensons donc qu'à cette occasion, en recevant Josette Audin ou en vous exprimant lors des commémorations qui auront lieu à cette occasion, vous pourriez ainsi concrétiser cet engagement», ont ajouté les auteurs du document, rappelant que Maurice Audin, mathématicien, est mort durant sa détention en 1957 en Algérie. Un test... Dans la nuit du 11 au 12 juin 1957, Maurice Audin, membre du Parti communiste algérien, a été arrêté à Alger par une unité de parachutistes. Depuis, aucune indication n'a été donnée sur sa disparition. La version officielle, à laquelle personne n'accorde de crédit, évoque son «évasion». L'assassinat est intervenu en plein Bataille d'Alger, période durant laquelle l'armée coloniale, notamment la 10e division parachutiste commandée par le général Massu, a pratiqué massivement la torture et les exécutions sommaires. Pour le président français, il s'agit donc là d'un premier test, d'autant plus que ce dernier avait fait des déclarations allant dans le sens de la reconnaissance des affres et des crimes de la colonisation. Alors candidat aux élections présidentielles, Emmanuel Macron avait qualifié, à Alger, dans le cadre de sa campagne électorale, la colonisation française de crime contre l'humanité, ce qui a soulevé un véritable tollé en France. Pour autant, le jeune candidat a assumé jusqu'au bout ses paroles. Joindra-t-il alors la parole à l'acte ? Pendant cinquante-sept ans, les autorités françaises ont affirmé que Maurice Audin s'était évadé. Le 18 juin 2014, écrit l'Humanité dans son édition d'hier, après la publication quelques mois plus tôt d'un livre relatant les confidences tardives du général Aussaresses disant que l'ordre de l'assassiner avait été donné par le général Massu, l'ancien président François Hollande a publié un message avouant que «Maurice Audin ne s'est pas évadé. Il est mort durant sa détention». Les signataires de la lettre ouverte à Emmanuel Macron, près d'une quarantaine, ont estimé que «60 ans après, il est temps que sa veuve, Josette Audin, à qui les pouvoirs politiques français successifs ont menti tout en entravant délibérément le travail de la justice, connaisse enfin la vérité».