L'offensive turque au nord-est syrien contre les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) se poursuivait dimanche au cinquième jour depuis son déclenchement sur fond de large condamnation internationale appelant Ankara à cesser ses opérations militaires alors que la situation humanitaire se dégrade de plus en plus. Les forces turques ont annoncé dimanche la poursuite des opérations militaires engagées depuis mercredi dernier à sa frontière sud alors que les unités kurdes continuent à résister dans des combats intenses. Selon le premier bilan communiqué par des sources locales, les affrontements entre les forces turques et les milices kurdes ont provoqué la mort de plus de 150 personnes, dont une cinquantaine de civils et l'exode de plus de 130.000. Sur le terrain, les forces turques semblent trouver des difficultés pour avancer notamment près de Tal Abyad, où de "violents combats" se déroulent dans la localité de Suluk, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, s'appuyant sur des sources locales. Un responsable des Forces démocratiques syriennes (FDS), principale coalition de combattants kurdes et arabes qui contrôle de vastes régions dans le nord et le nord-est syrien, a confirmé ces combats précisant que la défense turque a eu recours à des raids aériens ayant visé cette localité. "Les militaires turcs essayent d'en prendre le contrôle, mais il y a de violents affrontements avec nos forces", a fait savoir le responsable du FDS. Sur un autre front, à Ras al-Aïn, les forces kurdes ont fait reculer également les militaires turcs et leurs supplétifs syriens, d'après l'OSDH, évoquant la poursuite des combats à la périphérie ouest de cette zone. Samedi, Ankara avait annoncé avoir conquis Ras al-Aïn, mais les FDS et l'OSDH avaient nié la perte de contrôle de cette ville stratégique. Les FDS ont eu recours à "des tunnels souterrains" pour prendre l'assaillant turc par surprise, a fait savoir également l'OSDH. Parallèlement à ces affrontements meurtriers, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a annoncé des déplacements significatifs dans les zones rurales autour de Tal Abyad et Ras al-Aïn, avec des estimations dépassant les 130.000 personnes. Ces déplacés ont été installés dans des écoles transformées en abri dans des villes et des localités relativement épargnées par les violences, a ajouté l'agence onusienne. Le nombre de déplacés pourrait atteindre 400.000 personnes contraintes de fuir leurs foyers, a alerté encore le Bureau de l'ONU n'écartant pas aussi des besoins importants en aide humanitaire et médicale. A ce propos, le général-major Alexei Bakin, chef du centre de réconciliation des parties en conflit en Syrie, a évoqué une "dégradation de la situation humanitaire" particulièrement dans la région d'al-Hassaka, située dans le nord-est de la Syrie, près de la frontière, suite aux opérations militaires turques. Selon le général russe, plus de 100 000 civils, ayant fui les zones de combats intenses se sont rassemblés dans les villes de Qamishli, al-Hassaka et des localités habitées avoisinantes. "Le Centre de réconciliation des parties en conflit reçoit des appels de civils locaux signalant des perturbations dans le fonctionnement des services de soins de santé, du commerce et des services de logement", a souligné M. Bakin. Des appels à l'intervention du Conseil de sécurité de l'ONU Face à la poursuite de l'offensive turque, la Ligue arabe a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU à intervenir pour mettre fin à l'intervention militaire d'Ankara contre la Syrie et à préserver son intégrité territoriale. Dans une déclaration adoptée samedi soir à l'issue de la réunion d'urgence des ministres arabes des Affaires étrangères, tenue au Caire, la Ligue arabe a appelé à la fin de l'agression turque dans le nord-est de la Syrie, accusant la Turquie de la propagation du terrorisme après son agression contre la Syrie. Les chefs de la diplomatie des Etats membres de la Ligue arabe ont demandé, en outre, le retrait immédiat des forces turques et sans conditions de tout le territoire syrien, n'excluant pas la prise de mesures diplomatiques, économiques et militaires contre Ankara. Dans le cadre de sa participation à la réunion d'urgence convoquée par le Conseil de la Ligue arabe sur les derniers développements survenus en Syrie, l'Algérie a réitéré son refus "catégorique" de "l'atteinte, en toutes circonstances, à la souveraineté des Etats", exprimant sa "pleine solidarité" avec l'Etat syrien frère. S'exprimant à l'occasion de cette réunion, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Rachid Beladehane, a affirmé que l'Algérie "a suivi avec une grande préoccupation les évènements graves survenus dans le nord de la Syrie", réitérant "le refus catégorique par l'Algérie de l'atteinte, en toutes circonstances, à la souveraineté des Etats". "L'Algérie réaffirme sa pleine solidarité avec la Syrie et réitère son attachement à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de ce pays frère", a-t-il soutenu. De leurs côtés, l'Allemagne et la France ont décidé de suspendre tout projet d'exportation vers la Turquie de matériels de guerre susceptibles d'être employés dans le cadre de l'offensive au nord-est syrien, alors que le conseil des Affaires étrangères de l'UE devra se réunira le 14 octobre à Luxembourg pour coordonner une approche européenne en ce sens. Des manifestations ont été également organisés pour dénoncer l'intervention turque en Syrie, notamment à Paris où des plusieurs milliers de personnes, dont des personnalités politiques et des acteurs de la société civile, ont exprimé leur soutien aux Kurdes de Syrie. Ankara avait annoncé le 9 octobre le lancement d'une intervention militaire dans le nord-est de la Syrie contre les Unités de protection du peuple (milices kurdes), qu'elle a qualifiée de "groupes terroristes". Elle souhaitait créer en territoire syrien une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur qui séparera la frontière turque des régions syriennes. L'objectif de l'opération est de créer une zone tampon le long de la frontière turco-syrienne où, selon Ankara, les réfugiés syriens résidant en Turquie pourraient rentrer.