La Turquie a lancé mercredi, comme elle s'y était engagée, son offensive contre les forces kurdes du nord-est de la Syrie, suscitant une vague de condamnations internationales et des menaces de sanctions américaines. Le ministère turc de la Défense a annoncé mercredi soir que des militaires turcs et leurs supplétifs syriens avaient pénétré en Syrie, marquant le début de la phase terrestre de l'opération. "Les forces aériennes et l'artillerie ont jusqu'ici frappé 181 cibles appartenant au groupe terroriste", a précisé le ministère sur Twitter. L'objectif affiché de l'offensive d'Ankara, menée avec des supplétifs syriens, est d'éloigner de la frontière la principale milice kurde de Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG), considérées par Ankara comme une organisation "terroriste" pour ses liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). D'après les médias turcs, la Turquie envisage dans un premier temps de prendre le contrôle d'une bande de territoire à la frontière, longue de 120 kilomètres et profonde d'une trentaine de kilomètres. Pour Ankara, l'offensive doit permettre la création d'une "zone de sécurité" où pourront notamment être installés une partie des 3,6 millions de réfugiés Syriens vivant en Turquie. Après avoir bombardé des secteurs frontaliers, Ankara a lancé son opération terrestre mercredi soir et ses forces ont franchi la frontière. Mais l'offensive ne semble pas avoir véritablement progressé et les forces kurdes ont annoncé avoir bloqué deux tentatives d'incursion dans les secteurs frontaliers de Ras al-Aïn et de Tal Abyad qu'elles contrôlent. Jeudi matin, les raids de l'aviation turque ont repris entre les deux villes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Des milliers de civils fuient les frappes aériennes et tirs d'artillerie. "De violents affrontements" se déroulent dans les zones de Ras al-Aïn et Tal Abyad, d'après un responsable des Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants kurdes et arabes dominée par les YPG, alliée aux Occidentaux dans la lutte contre les terroristes de "Daech". Au moins 19 combattants des forces kurdes et huit civils ont été tués mercredi par les frappes aériennes et les tirs d'artillerie de l'armée turque, selon l'OSDH. Craintes et réunion du Conseil de sécurité L'offensive de la Turquie a provoqué un tollé international, plusieurs pays craignant une résurgence de Daech, et une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU doit avoir lieu jeudi. Elle a été condamnée par plusieurs nations occidentales, qui craignent une résurgence de Daech et l'incertitude quant au sort des milliers de terroristes prisonniers des FDS. Dans le sillage des réactions enregistrées, l'Algérie, un communiqué du ministère des Affaires étrangères, a indiqué suivre avec une "grande préoccupation" les évènements "dangereux" survenus dans le nord de la Syrie, et réaffirmé son "rejet catégorique" de l'atteinte à la souveraineté des pays en toutes circonstances. Pour sa part, le président américain, Donald Trump, a espéré que son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, agirait de manière "rationnelle" et "humaine", promettant "d'anéantir" l'économie de la Turquie en cas d'offensive "injuste". En début de semaine, c'est pourtant le retrait des troupes américaines de secteurs frontaliers en Syrie et les déclarations contradictoires de la Maison blanche qui ont ouvert la voie à l'offensive. De son côté, la France a "très fermement" condamné l'incursion turque, qui "doit cesser". Même exigence du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Quant à l'Allemagne, elle a estimé que l'opération risquait de "provoquer une résurgence" de l'EI/Daech, alors que Londres a exprimé sa "sérieuse préoccupation". Par ailleurs, avant le déclenchement de l'offensive, le président russe Vladimir Poutine avait appelé M. Erdogan à "bien réfléchir". L'Egypte a, pour sa part, jugé cette "attaque inacceptable", au moment où l'Arabie Saoudite a condamné "l'agression" de la Turquie en Syrie. De son côté, l'Iran a appelé à "une cessation immédiate" de l'offensive turque, alors que la Chine a appelé au "respect de la souveraineté syrienne". Dans le même contexte, la Ligue arabe a convoqué une réunion d'urgence samedi pour discuter de l'offensive tandis que le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Stef Blok, a exhorté la Turquie à cesser cette offensive militaire. Amnesty International a souligné qu'"à la fois les forces turques et kurdes" avaient, "dans le passé, mené des attaques aveugles en Syrie" ayant fait de "nombreuses victimes parmi les civils". L'ONG a exhorté à faire en sorte que "cela ne se reproduise pas". Du côté de Damas, le gouvernement syrien s'est engagé à "contrecarrer toute agression" de la Turquie, se disant prêt à "accueillir dans son giron" la minorité kurde.