Des experts du Centre d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE) ont appelé lundi à Alger à l'institutionnalisation de l'évaluation des politiques publiques, en la qualifiant de démarche "constructive" pour parvenir à une bonne gouvernance. Convié par le CARE, le président de l'Association algérienne pour la promotion de l'évaluation et du développement (EVAL DZ), Mohamed Bouchakour, a déclaré que l'évaluation des politiques publiques est un enjeu fondamental, voir une nécessité qui permettra à l'Algérie de passer "de la mauvaise gestion de la rente pétrolière à la bonne gouvernance de la cité". Pour une meilleure efficacité de cette démarche, M. Bouchakour a estimé qu'il faudrait institutionnaliser la culture de l'évaluation d'impact des politiques publiques par des textes de lois qui définiraient le schéma directeur de cette politique, mais également à travers l'implication des associations qui contribueront à la formation d'évaluateurs certifiés mais aussi la formation des demandeurs d'évaluation tels les députés qui devraient savoir comment formuler des demande d'évaluation, selon un cahier de charge, et faire le suivi de ces évaluations. Le président de cette association nouvellement agrée a estimé que le citoyen doit être au cœur de cette démarche car il est directement concerné et a parfaitement le droit d'avoir des informations sur la gestion des ressources et des biens publiques. Il a rappelé que durant ces dernières années, beaucoup d'argent avait été dépensé dans le secteur de la santé sans pour autant améliorer la santé et le bien être des citoyens, en évoquant le plan anti-cancer qui "n'a jamais fait l'objet d'une évaluation". Pour le secteur de l'éducation, l'enseignement supérieur et la formation pour lesquels des budgets colossaux ont été consacrés mais sans atteindre les objectifs escomptés en termes d'employabilité. "Le taux de chômage est toujours aussi élevé, dont 30 % sont des universitaires. Ce qui nous fait dire que plus les gens font des études supérieurs et moins ils ont la chance de trouver un emploi", a-t-il regretté. M.Chakour a ajouté que l'objectif par l'évaluation des politiques publiques c'est justement d'aider les pouvoirs publics dans leur prise de décision à travers des études réalisées selon des standards internationaux par des experts. Les projets devraient répondre à certains critères dont la pertinence, l'efficience, la cohérence, l'efficacité et la durabilité, a-t-il noté. Selon l'intervenant, "La finalité c'est de faire vite et mieux en dépensant moins de ressources financières". Faire "revivifier" le Conseil national économique et social De son côté, le président du CARE Mahrez Ait Belkacem, a plaidé pour la restitution du Conseil national économique et social (CNES), qui a toujours été un outil d'évaluation depuis sa création en 1995. Il a expliqué a ce propos que, chaque année, le CNES a une obligation de mettre à jour la liste de ces membres, mais l'institution qui est sans président depuis le décès de M. Mohamed Seghir Babès en 2017, n'a pas renouvelé son staf. "De ce fait, les gens se trouvent en dépassement de mandat", a-t-il fait constater, soulignant la nécessité de renouveler la représentativité de ses membres pour donner de la crédibilité à sa production. Il existe tout une série d'institutions d'évaluation publiques dont la Cour des comptes, l'inspection général des finances, le CNES en fait partie et il impératif de le"revivifier", a-t-il plaidé. Pour sa part, l' expert international en finances, Koseila Amer, a soulevé le problème d'accès aux informations auprès des institutions publiques qui constitue, selon lui, un frein pour l'établissement des politiques d'évaluation. "L'évaluation repose sur des informations administratives fiables et il faudra mettre en place des systèmes d'accès à l'information au niveau de toutes les régions du pays afin de pouvoir définir des politiques nationales", a-t-il recommandé . Il a expliqué que l'évaluation des politiques publiques est avant tout un outil d'aide à la décision d'où la nécessité de faire des études d'impact avant de s'engager dans quelconque projet. Il a cité l'exemple des centres anti cancer estimant qu'il faut au préalable créer un au lieu de 15 centres , et si les premiers effets obtenus de ce centre convergent avec les objectifs escomptés, là il devient intéressant d'en créer d'autres. Ce même expert, a également évoqué la politique de l'industrie automobile qui en l'espace de 7 ans a connu deux décision publiques : la promotion de l'industrie automobile et l'intégration de la production nationale, par la suite l'autorisation d'importation des e véhicules de moins de trois ans. "Deux décisions différentes qui peuvent avoir un impact négatif ou même produire des effets pervers", a-t-il prévenu, jugeant que ces deux décisions n'ont pas été expliquées et ne reposaient pas sur une réelle évaluation d'impact.