Les récents événements ayant marqué le pays, les enjeux du néo-Hirak animé par des tentatives de "forces antinationales" de transformer le Hirak originel en mouvement insurrectionnel non armé visant la paralysie du pays, ainsi que les appel des voix de la raison à une pause salutaire et une trêve préventive devant les menaces qui pèsent sur le pays sont autant de sujets abordés dans cet entretien accordé à l'APS, par le professeur Ammar Belhimer, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement . Question: Quel bilan faites-vous de l'évolution de la situation politique et sociale depuis février 2019 ? Réponse: Bien avant l'irruption du coronavirus comme risque anthropique majeur pour le pays et pour le reste du monde, le Hirak perdait au fil des semaines son caractère de mouvement populaire, historique car inédit, spontané et surtout rassembleur à grande échelle. Sa grande dimension, sa masse critique, son amplitude, sa récurrence et sa résilience lui ont permis de traverser l'ensemble de la société algérienne au-delà même des classes sociales, des ancrages idéologiques, des sensibilités politiques, de l'appartenance identitaire et du sentiment religieux. Le mouvement du 22 février, consacré "Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son armée pour la démocratie" par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui culmine avec l'élection présidentielle du 12 décembre 2019, commence à produire ses premiers effets avec la formation d'un gouvernement de compétences engagées sur la base d'un programme entièrement dédié aux libertés et au renouveau économique, ainsi que l'élaboration d'un projet de constitution qui sera soumis à débat et à référendum et dont il est attendu qu'il produise une solide assise législative qui concilie démocratie représentative et démocratie participative, qui facilité l'émergence d'une société civile libre et forte et d'une vie politique intense de nature à consolider les espaces de médiation requis pour la stabilité et la transparence, ainsi qu'une presse libre et responsable. Le temps est à la reconstruction. Aidons ce processus à aboutir dans les meilleurs délais. Question: Peut-on considérer que les choses ont radicalement changé et que la contestation n'a plus lieu d'être ? Réponse: On ne reconnait plus au fil du temps qui passe le mouvement des origines. Un an après sa naissance favorisée par la tentative du passage en force du président déchu – alors incapable - pour un cinquième mandat destiné à préserver les intérêts mafieux d'une caste parasitaire aux commandes du pays, le néo-Hirak fait du surplace et s'installe dans l'impasse. A l'origine, mouvement transcourant et trangénérationnel, il a fini par être parasité par certains courants politiques qui l'ont rejoint pour mieux le faire dévier de sa vocation citoyenne, patriotique, démocratique et plurielle. Il est donc à craindre que le Hirak s'inscrive de plus en plus dans le prolongement de ces "bouleversements préfabriqués" qui, au demeurant, révèlent chaque jour davantage leur caractère contre-révolutionnaire. Des ONG qui ont pignon sur rue à Genève ou à Londres, des résidus irréductibles de l'ex-FIS et des revanchards mafieux de l'ancien système travaillent d'arrache-pied, y compris par derrière les barreaux ou à partir de leurs retraites dorées (forcées ou choisies), pour propager les mots d'ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence. L'accumulation effrénée de ressources financières et le positionnement de leurs relais dans tous les appareils d'Etat et à tous les niveaux de décision, leur confère naturellement une force de frappe qui n'a pas encore été totalement contenue. Ils escomptent un retour aux affaires et aux commandes à l'aide de marches quotidiennes là où elles peuvent être tenues, appuyant des mots d'ordre hostiles à l'institution militaire et aux services de sécurité. Ce qui est en fait visé ce sont les institutions, l'ordre public, la stabilité et la souveraineté nationale. Question: N'y a-t-il pas des raisons d'espérer ? Réponse: En vertu des tentatives des forces antinationales de transformer le Hirak en mouvement insurrectionnel non armé visant la paralysie du pays, et au vu de ce qu'il représente aujourd'hui comme risque sanitaire majeur, des voix de la raison se sont élevées dans le pays et dans la diaspora notamment à travers les réseaux sociaux pour appeler à une pause salutaire, à une trêve préventive. Des leaders d'opinion lucides et réalistes appellent même à l'arrêt pur et simple des marches et des rassemblements. Car la pandémie du coronavirus est sérieuse, attestée par la rigoureuse OMS, l'Organisation mondiale de la santé. Ces mêmes voix de la lucidité citoyenne et de la raison patriotique appellent à cesser les marches dans un contexte national aussi complexe et aussi périlleux, marches pour lesquelles elles ne trouvent plus aucune raison d'être car le Hirak est déjà victorieux. Et il a gagné sur plusieurs fronts. Grâce à sa convergence initiale avec l'ANP, qui l'a accompagné et protégé, il a permis de faire barrage au 5ème mandat d'un président cacochyme utilisé comme devanture politique par une caste mafieuse et des réseaux transversaux d'accaparement et de dilapidation des richesses nationales. Grâce à son insurrection pacifique et intelligente, il a révélé au pays et au monde la colossale et effroyable corruption du régime précédent et de ses insatiables clientèles. Et, toujours de son fait, le Hirak a favorisé l'avènement d'une opinion publique agissante, influente et désormais écoutée. De même qu'il a permis aux Algériens de s'approprier la politique en lieu et place de structures de médiation, d'intermédiation et de représentation défaillantes, discréditées et inaudibles. Et par-dessus tout, il a rendu possible le changement pacifique et ordonné. Question: Quel avenir pour le Hirak dans un contexte exceptionnel d'alerte sanitaire ? Réponse: Le Hirak est intelligent et généreux. Il doit le rester et même l'être plus encore lorsqu'il y a péril majeur en la demeure. Ceux qui s'obstinent, dans un entêtement suicidaire, à le maintenir coûte que coûte et quoi qu'il en coûtera à la nation tout entière, ne doivent pas concourir à son échec, voire même à sa disparition. Ils devraient en être empêchés par la force de la raison citoyenne et par celle du droit qui est au dessus d e tous. La raison exige la cessation des marches et des rassemblements. Et, une fois la crise grave du Coronavirus résorbée par la mobilisation de tout un peuple, rien n'empêchera alors le Hirak de reprendre son cours si d'ici là, des avancées démocratiques et sociales majeures n'auront pas été enregistrées. In fine, il faudrait donc écouter cet éditorialiste algérien, par ailleurs voix porteuse du Hirak qui dit : "nous sommes déjà meilleurs grâce au Hirak. Et ce Hirak doit nous aider à vaincre nos colères et à donner victoire à la raison. Organisons-nous autrement, restons vigilants, utilisons au maximum les réseaux sociaux, continuons à informer sur les atteintes aux libertés, mais nous devons, sans attendre, décider de nous donner toutes les chances de gagner la longue bataille politique pacifique engagée le 22 février 2019. C'est parce que le Hirak nous a rendu meilleurs, plus intelligents et plus responsables que nous devons le décider : les marches et les rassemblements doivent être suspendus. Vainquons nos colères car nous-nous aimons. Nous serons encore meilleurs et plus forts pour les batailles qui viennent". Ces batailles sont déjà amorcées comme en témoignent les correctifs et retouches qui ne manqueront pas d'être apportés par la loi de finances complémentaire dans trois directions : primo, le renforcement du pouvoir d'achat des ménages grâce à l'exonération de l‘IRG pour les salaires n'excédant pas 30.000 dinars et la revalorisation du SNMG dès janvier prochain. Secundo, les mesures encourageant l'installation des entreprises étrangères et la suppression de la règle de répartition du capital social 49/51. Tertio, les mesures visant à améliorer le recouvrement fiscal à un moment critique d'érosion des ressources.