La restitution des crânes des résistants algériens à l'invasion et la colonisation françaises, conservés depuis plus d'un siècle et demi au Musée d'histoire naturelle de Paris, et dont 24 seront rapatriés vendredi à bord d'un avion de l'Armée nationale populaire (ANP), constitue une des principales revendications de l'Etat algérien sur la question de la mémoire. La Nation rendra hommage à ces dirigeants et membres des résistances populaires à l'agression coloniale française par leur inhumation solennelle en Algérie, leur terre natale pour laquelle ils ont donné leur vie. Le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a annoncé jeudi que les restes mortuaires d'autres chouhada seront rapatriés à l'avenir, le processus devant se poursuivre jusqu'à son terme. La restitution des crânes de ces résistants avait fait l'objet d'une demande officielle de l'Algérie à la France et la question avait été soulevée lors d'entretiens entre les plus hautes autorités des deux pays. Une commission technique composée d'experts algériens avait été mise en place pour procéder à l'identification des crânes de ces résistants algériens. Le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit, Tayeb Zitouni, avait déclaré en janvier 2019 que "à ce jour, 31 crânes ont été déjà identifiés et l'opération se poursuit". Les crânes de nombreux résistants algériens se trouvent au Musée d'histoire naturelle de Paris. Ils appartiennent notamment à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Cherif Boubaghla, qui a mené une insurrection populaire dans la région du Djurdjura, en Kabylie, au Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaâtcha (région de Biskra en 1849), à Moussa El-Derkaoui, son conseiller militaire, et à Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. La tête momifiée d'Aïssa El-Hamadi, qui fut le lieutenant du Cherif Boubaghla, et le moulage intégral de la tête de Mohamed Ben-Allel Ben Embarek, lieutenant de l'Emir Abdelkader, y sont également conservés. Lors du siège de Zaâtcha (30 km au sud-ouest de Biskra), les résistants algériens de cheikh Bouziane s'étaient opposés aux troupes de la colonisation française du général Emile Herbillonet. Le siège s'était terminé par l'extermination de la population de l'oasis. "Plus de 1.500 obus d'artillerie furent tirés contre cette localité pour amener vainement la population à abdiquer", selon l'universitaire Setar Ouathmani. "Vers neuf heures et demie du matin, le 26 novembre 1849, la tête du cheikh Bouziane, celle de son fils Al-Hassan et celle de Si-Moussa Al-Darkaoui, sont placées au bout de trois piques. Un instant avant qu'on le fusille, un soldat l'ayant bousculé un peu rudement avec la crosse de son fusil, Al-Hassan, le fils de Bouziane dit : +Je suis le fils de Bouziane, on tue le fils de Bouziane, on ne le frappe pas+", a rappelé l'anthropologue Ali Farid Belkadi dans un entretien à l'APS, soulignant que le crane d'Al-Hassan "n'a pas été retrouvé au muséum de Paris et doit être rangé dans une autre collection". Selon un recensement effectué en avril 2018, le nombre de crânes d'Algériens conservés dans ce musée s'élève à 536, provenant de toutes les régions d'Algérie. "Parmi ces 536 crânes et ossements figurent ceux d'hommes préhistoriques, très peu nombreux. Tous n'ont rien à faire en France", avait déclaré le chercheur. Outre la question de la restitution des crânes des résistants algériens, le dossier de la mémoire comprend aussi les archives, les disparus durant la Guerre de Libération et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français dans le Sahara algérien. Des commissions mixtes algéro-françaises ont été mises en place pour traiter toutes ces questions.