L'armée birmane tenait mardi les commandes du pays au lendemain d'un coup d'Etat sans effusion de sang au cours duquel elle a arrêté la dirigeante, Aung San Suu Kyi, alors que le Conseil de sécurité des Nations Unies doit tenir une réunion urgente pour discuter des derniers développements. Aucun signe de présence militaire significative n'était visible à Rangoun, la capitale économique, preuve de la confiance des militaires dans leur emprise sur le pays, d'après des observateurs. Les connexions téléphoniques et l'accès à internet, très perturbés la veille, fonctionnaient à nouveau, les banques étaient rouvertes, mais l'aéroport international de Rangoun restait fermé. Les marchés et les rues, généralement animés malgré la pandémie de coronavirus, étaient plus calmes qu'à l'ordinaire, même si quelques habitants se rendaient au parc pour leurs exercices matinaux. Contestant les élections législatives de novembre, les militaires ont proclamé lundi l'état d'urgence pour un an, mettant fin à une parenthèse démocratique de 10 ans. Ils ont arrêté Aung San Suu Kyi et d'autres dirigeants de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), juste avant la première session du parlement. L'armée avait demandé le report de nouvelles sessions parlementaires, affirmant "qu'il y avait eu une fraude électorale massive" lors des élections générales le 8 novembre 2020, au cours desquelles la LND a remporté la majorité des sièges aux deux chambres du Parlement. L'armée birmane a déclaré lundi que de nouvelles élections seraient organisées après la fin de l'état d'urgence, prévu pour durer un an, à l'issue desquelles le pouvoir serait restitué au nouveau gouvernement. Selon des informations rapportées par des médias, le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing dispose désormais de tous les pouvoirs, tandis qu'un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim du pays. La LND a appelé à la " libération" immédiate de la prix Nobel de la paix 1991 et des autres responsables du mouvement, dénonçant une "tache dans l'histoire de l'Etat et de Tatmadaw", l'armée birmane. Pour sa part, Aung San Suu Kyi a appelé lundi la population de son pays à "rejeter ce qui se passe, à réagir fidèlement et à manifester contre le coup d'Etat militaire". Le LND a décrit les agissements de l'armée comme "illégaux et marginalisant la volonté du peuple et la constitution". La communauté internationale a condamné lundi, l'arrestation d'Aung San Suu Kyi, estimant que cette "prise du pouvoir" par les militaires qui ont proclamé l'état d'urgence pour un an, "porte un coup dur aux réformes démocratiques" dans ce pays d'Asie du Sud-Est. Réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations Unies Lundi, l'ambassadrice britannique à l'ONU, Barbara Woodward, dont le pays assume la présidence tournante du Conseil de sécurité pour le mois de février, a déclaré que les membres du Conseil sont convenus de traiter la question de la Birmanie. "Nous l'avions inscrite au programme de travail initialement pour en discuter plus tard cette semaine", a-t-elle fait savoir. "Après en avoir parlé avec les membres du Conseil, nous avons décidé de la mettre à l'agenda de demain, étant donné les développements en Birmanie ce week-end", a indiqué Mme Woodward. La réunion virtuelle se tiendra à huis clos et un exposé des derniers développements sera présenté par l'émissaire de l'ONU pour ce pays. "Nous voulons aborder la menace à long terme pour la paix et la sécurité, en travaillant bien sûr en étroite collaboration avec les voisins asiatiques de la Birmanie et de l'ASEAN (Association des nations d'Asie du Sud-Est)", note la même source . De son coté, l'envoyée spéciale du SG de l'ONU Antonio Guterres pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, fera un exposé au Conseil de sécurité mardi, a annoncé le porte-parole de M. Guterres, Stéphane Dujarric. La dernière discussion du Conseil de sécurité concernant la Birmanie a eu lieu en septembre 2020, avant les élections générales dans ce pays. Le président américain Joe Biden a appelé la communauté internationale à "parler d'une seule voix pour exiger de l'armée birmane qu'elle rende immédiatement le pouvoir", l'ONU et l'Union européenne condamnant unanimement le coup d'Etat. A l'inverse, Pékin a refusé de critiquer qui que ce soit, demandant simplement toutes les parties à "résoudre les différends". Le chef de l'armée Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l'essentiel des pouvoirs, est un paria pour les capitales occidentales du fait de la répression sanglante menée par les militaires contre la minorité musulmane rohingya, un drame qui vaut à la Birmanie d'être accusé de "génocide" devant la Cour internationale de Justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'ONU. Aung San Suu Kyi est très critiquée à l'international pour sa passivité dans cette crise qui a conduit des centaines de milliers de Rohingyas à se réfugier au Bangladesh.