La Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi a revendiqué, hier, la victoire dans la totalité des 44 circonscriptions où elle a présenté des candidats lors des élections législatives partielles de la veille. A 66 ans, la lauréate du prix Nobel de la paix 1991 devrait ainsi faire son entrée au Parlement. Au total, 45 des 440 sièges étaient en jeu à l'occasion de ces législatives partielles. "Ce n'est pas tant notre triomphe que celui du peuple, qui a décidé qu'il devait s'impliquer dans le processus politique de ce pays", a-t-elle déclaré aux partisans de la LND rassemblés devant le siège du parti à Rangoun. "Nous espérons qu'il s'agit du début d'une nouvelle ère, dans laquelle le peuple jouera un rôle plus grand au quotidien dans les affaires politiques de notre pays. Nous espérons que tous les partis qui ont pris part à ces élections accepteront de coopérer avec nous pour créer un environnement réellement démocratique dans notre nation", a ajouté Aung San Suu Kyi. Les résultats n'ont pas été confirmés, mais la LND aurait même remporté quatre sièges dans la nouvelle capitale birmane, Naypyitaw, dont la majeure partie des habitants sont des fonctionnaires, des militaires et leurs familles. Un quart des sièges parlementaires sont réservés à l'armée. Le Parti de la solidarité et du développement de l'Union (USDP), créé par l'ancienne junte militaire, n'a fait aucune déclaration pour le moment. Pour Nyan Win, directeur de campagne de la LND, la "priorité numéro un" d'Aung San Suu Kyi en tant que députée sera d'oeuvrer à une modification de la Constitution. Cette Constitution, adoptée à la suite d'un référendum tenu en 2008 et jugé par l'opposition fortement truqué, permet au chef de l'Etat de transmettre ses pouvoirs au chef des forces armées dans des situations d'exception qui restent, au demeurant, mal définies. Dans un discours prononcé moins d'une semaine avant la tenue de ces législatives partielles, le chef des forces armées, le général Min Aung Hlaing, s'est engagé à protéger la Constitution, qui garantit, à ses yeux, le "rôle politique dirigeant" de l'armée. "Visiteurs" plutôt qu'observateurs La semaine dernière, au cours des préparatifs de ces législatives, Aung San Suu Kyi s'était plainte d'"irrégularités", même si aucune, à ses yeux, n'a paru suffisamment grave pour contester le déroulement du scrutin et remettre en cause la participation de la LND. Un petit nombre d'observateurs, venant de pays occidentaux ou de l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est), avaient été invités à assister au scrutin de la veille, mais ils n'ont eu que quelques jours pour s'y préparer. Ils se sont eux-mêmes présentés comme des "visiteurs" plutôt que comme observateurs. "Quelles que soient les irrégularités que nous avons constatées, elles ne semblaient pas découler de mauvaises intentions. Elles relevaient plutôt d'un manque d'expérience ou de connaissance", a déclaré une déléguée de l'UE, Malgorzata Wasilewska, ajoutant que des irrégularités pourraient encore se produire durant les opérations de dépouillement. La LND avait boycotté les précédentes législatives tenues en 2010. Le président Thein Sein, général qui faisait partie de la junte, a surpris la communauté internationale en engageant des réformes les plus hardies depuis l'arrivée au pouvoir des militaires à la faveur d'un coup d'Etat en 1962. Aung San Suu Kyi a vu son assignation à résidence prendre fin en novembre 2010, six jours après des législatives fortement critiquées par l'opposition mais qui ont précédé l'avènement d'un gouvernement civil, au terme de 49 années de régime militaire. Les autorités ont remis en liberté plusieurs centaines de détenus politiques, engagé des négociations de paix avec les guérillas de plusieurs communautés ethniques, assoupli la censure sur les médias et autorisé des syndicats. En retour, Hillary Clinton a effectué en novembre dernier la première visite en Birmanie d'un secrétaire d'Etat américain depuis 1955. Aung San Suu Kyi revendique la victoire L'opposante Aung San Suu Kyi a proclamé, hier, sa victoire aux élections historiques de la veille, en souhaitant que le scrutin marque le début d'une nouvelle ère pour la Birmanie. Son entrée au Parlement, moins de deux ans après sa libération, ouvre la voie à son éventuelle candidature à la présidentielle de 2015. Acclamée par des milliers de partisans réunis à Rangoon devant le siège de son parti, la Ligue nationale pour la Démocratie, la lauréate du prix Nobel de la paix a affirmé avoir décroché le mandat qu'elle briguait dans la circonscription rurale de Kawhmu, au sud de la capitale économique du pays. La victoire d'Aung San Suu Kyi est celle de près de 25 ans de lutte contre la démocratie, dont 15 passés assignée à résidence tandis que ses partisans étaient emprisonnés et torturés par la junte au pouvoir de 1962 au début 2011. Agée de 66 ans, "La Dame", comme la surnomment respectueusement les Birmans, a été libérée fin 2010. "Le succès que nous avons est le succès du peuple", a déclaré Aung San Suu Kyi, alors que ses partisans scandaient son nom et faisaient le "V" de la victoire avec leurs doigts. "Ce n'est pas tant notre triomphe que le triomphe du peuple, qui a décidé qu'il devait être impliqué dans le processus politique de ce pays", a-t-elle ajouté. "Nous espérons que ce sera le début d'une nouvelle ère." La commission électorale n'avait pas encore confirmé les résultats des législatives partielles mais des responsables gouvernementaux commentaient déjà la victoire de l'opposante historique et la population célébrait l'événement. Un porte-parole de la LND, Han Than, a déclaré que, selon les scores relevés par les observateurs de sa formation, l'opposition avait remporté au moins 43 des 44 sièges qu'elle briguait, sur 45 mis aux voix la veille. Elle se serait notamment emparée des quatre sièges en jeu dans la nouvelle capitale, Naypyitaw, infligeant un cinglant revers au gouvernement dans cette ville peuplée de fonctionnaires. L'influence de l'opposition au Parlement risque cependant d'être limitée car l'élection ne portait que sur 45 des 664 sièges d'une assemblée très largement dominée par le parti au pouvoir et où un quart des postes sont réservés à l'armée. Un conseiller du président Thein Sein, Nay Zin Latt, a affirmé à l'Associated Press qu'il n'était "pas vraiment surpris que la LND ait remporté une majorité de sièges". Interrogé sur une éventuelle entrée de Mme Suu Kyi au gouvernement, il a répondu que "tout est possible". "On pourrait lui confier n'importe quel poste à responsabilité étant donné ses capacités", a-t-il ajouté. Malgré des irrégularités dénoncées par la LND, la responsable de l'équipe d'observateurs de l'Union européenne, Malgorzata Wasilewska, a qualifié le vote de "suffisamment convaincant", sans aller jusqu'à le déclarer crédible. "Dans les bureaux de vote que j'ai visités, j'ai vu beaucoup de bonnes pratiques et de bonne volonté, ce qui est très important", a-t-elle noté. Les Etats-Unis et leurs alliés, dont l'Union européenne, ont laissé entendre qu'ils pourraient lever une partie des sanctions contre la Birmanie si le scrutin se déroulait correctement.