La rupture des relations diplomatiques entre l'Algérie et le Maroc "arrive au pire moment pour Rabat", estime le journaliste et ancien diplomate marocain, Ali Lmrabet précisant que le Palais royal est aujourd'hui particulièrement affaibli. "La rupture des relations diplomatiques entre l'Algérie et le Maroc arrive au pire moment pour Rabat. Les vents ne sont pas favorables au régime. Le palais royal et ses services secrets sont sortis affaiblis des multiples fronts qu'ils ont ouverts ces derniers mois", soutient l'auteur dans un article publié sur le site Middle East Eye. "Les violations systématiques des droits humains et les grossières accusations visant des journalistes indépendants ont donné une bien piètre image d'un Maroc allié et soutien de l'Occident", assure-t-il ajoutant que "les deux offensives diplomatiques contre l'Allemagne et l'Espagne ont tourné court". "Le bras de fer avec Madrid après l'hospitalisation du chef du Front Polisario Brahim Ghali en Espagne et le déferlement provoqué par Rabat de citoyens marocains sur Ceuta a aussi été remporté par l'Espagne", constate-t-il affirmant que "le roi du Maroc a dû annoncer il y a quelques jours une "étape inédite" dans les relations hispano-marocaines. Il n'y a plus d'exigences". Cette crise a poussé, en revanche, les Espagnols à exiger une redéfinition des relations entre les deux pays. Le Maroc a également essuyé un revers face à l'Allemagne après une crise liée à la position de Berlin vis-à-vis de la question sahraouie. "Berlin a résisté aux pressions de Rabat sur le conflit du Sahara occidental et refuse de faire pression sur sa magistrature pour que des poursuites criminelles soient engagées contre le Germano-Marocain Mohamed Hajib, bête noire des services secrets marocains", note l'auteur de l'article. De son côté, "l'administration Biden, en dépit de gestes amicaux envers le Maroc, ne va pas ouvrir un consulat à Dakhla, comme cela avait été promis par Donald Trump, ni reconnaître explicitement la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental", indique le journaliste. "Récemment, le porte-parole du département d'Etat, Ned Price, s'est permis de tirer les oreilles aux autorités marocaines sur les déficiences en matière de liberté de la presse dans le royaume, citant nommément les cas des journalistes Omar Radi et Souleiman Raissouni, dont les procès ont été émaillés de telles irrégularités que même des médias marocains s'en sont fait l'écho", explique-t-il. == L'avenir du GME est compromis== "Plus grave encore, Rabat s'attend à un arrêt imminent de la CJUE (Cour de justice de l'Union européenne) qui confirmerait définitivement, selon les avocats du Front Polisario, l'illégalité de l'accord de pêche entre le Maroc et l'Union européenne", poursuit Ali Lmrabet. Sur le plan de la coopération économique, la décision de l'Algérie de rompre ses relations avec le Maroc porte un coup dur au royaume à moins de deux mois de l'expiration du contrat relatif au gazoduc Maghreb-Europe qui relie l'Algérie à l'Espagne via le territoire marocain. "Lors de son point de presse, Lamamra a renvoyé la balle à la Sonatrach mais le renouvellement (du contrat) sera difficile si les ponts entre les deux Etats continuent à s'écrouler les uns après les autres", prédit le journaliste. D'un autre côté, "la santé du roi Mohammed VI inquiète. Lors de son discours du Trône fin juillet, qui a été prononcé avec une journée de retard, le souverain est apparu amaigri et très fatigué", fera-t-il remarquer. Selon Lmrabet, il ne s'agit pas là des "seules déconvenues" que connaît le régime alaouite. "La lente et inexorable détérioration de la situation sociale n'est niée par personne et les perspectives de voir le pays sortir rapidement de la crise économique s'estompent au fur et à mesure que l'on découvre les chiffres alarmants de la hausse des infections dues au Covid-19 et son corollaire, la prorogation sans fin du couvre-feu", estime-t l'ancien diplomate. Selon Lmrabet, ce sont les critiques émises contre l'Algérie par le ministre des Affaires étrangères israéliens, en visite à Rabat, qui ont mis le feu aux poudres. Un "impair" qui vient s'ajouter au soutien affiché par la diplomatie marocaine au MAK et à la position marocaine concernant la question sahraouie. "L'incroyable impair commis par le ministre israélien des Affaires étrangères et futur Premier ministre, Yaïr Lapid, qui a critiqué ouvertement l'Algérie depuis Rabat, où il était en visite officielle, a fait sauter la poudrière. Une bien fâcheuse sortie israélienne qui n'a plu, évidemment, à personne au Maroc, mais dont on ne sait pas si elle a été expressément provoquée par la diplomatie marocaine, dont la ligne de conduite est chapeautée par le cabinet royal, ou simplement tolérée", relève-t-il. "Cette provocation a incontestablement attisé un feu déjà vaillant au moment où Alger réfléchissait à une riposte après les révélations sur l'affaire Pegasus, et l'implication, selon Amnesty International et Forbidden Stories, des services secrets marocains dans l'espionnage de 6.000 numéros de téléphones portables appartenant, notamment, à de hauts responsables algériens grâce à un logiciel espion de fabrication israélienne", rappelle-t-il.