Les services de renseignement marocain n'ont pas agi sans l'aval du palais royal dans la ténébreuse affaire Pegasus, et «la crise internationale» qui en a résulté ne fait que commencer et risque d'affecter davantage les relations entre l'Algérie et le Maroc, selon un article publié récemment par le média en ligne Middle East Eye. Dans un article d'opinion intitulé : «Pegasus et le Maroc : Mohammed VI savait», paru mardi dernier, l'auteur, le journaliste marocain en exil, Ali Lmrabet, a souligné qu'«il est impossible» que le patron de la Direction générale de la sécurité du territoire marocaine (DST), Abdellatif Hammouchi, ait décidé tout seul de mettre sur écoute une légion de personnalités de tous bords et de toutes nationalités à l'aide du logiciel espion Pegasus de l'entreprise israélienne NSO Group. Selon M. Lmrabet, espionner des journalistes marocains ou étrangers, des militants des droits de l'Homme, des politiciens marocains "ne nécessite aucun acquiescement" du roi, mais tenter de cibler le portable du Président français, Emmanuel Macron, et dans ceux de son Premier ministre et d'une quinzaine de membres de son gouvernement «ne peut être l'œuvre du seul Hammouchi». «Hammouchi qui détient ses abusifs pouvoirs directement de son seigneur et maître le roi du Maroc, lequel, à travers l'un de ses conseillers, Fouad Ali El Himma, garde le contrôle absolu sur les services secrets, n'a pas l'ambition politique qui en ferait un électron libre», a analysé Lmrabet. Ce dernier a noté dans ce même article, qu'afin de dédouaner le palais royal et même le régime de ce vaste réseau d'espionnage, le Maroc a déposé une plainte pour diffamation en France contre Forbidden Stories et Amnesty International, les ONG à l'origine de ces révélations, ainsi que contre Le Monde, Mediapart et Radio France, qui ont donné une large couverture à cette affaire. Certains ont sauté sur le fait que l'un des téléphones du roi Mohammed VI avait été sélectionné par les services secrets marocains pour une éventuelle mise sur écoute. Pourtant, il est fort probable, d'après le journaliste, que «Hammouchi cherchait à contrôler les pas du roi pour mieux préserver son image gravement touchée par des rumeurs insistantes et sordides». Et il est possible aussi, a-t-il nuancé, que la «sélection (ce qui ne veut pas dire forcément ''infection'') du téléphone de Mohammed VI ait été faite volontairement pour éloigner du roi les soupçons sur sa présumée implication dans l'éventualité où on découvrirait que le Maroc utilise le logiciel espion Pegasus. Ce qui est actuellement le cas». Reste à savoir si Hammouchi sera lâché par le roi si un magistrat algérien, français ou espagnol venait à lancer un avis de recherche internationale contre lui, sachant qu'il a déjà des démêlées avec la justice française dans l'affaire Moumni. Difficile de le prédire, selon Lmrabet. L'information du transfert de Ghali en Espagne venait d'un téléphone algérien infecté S'il se confirme, l'espionnage qui a visé des milliers de téléphones portables de responsables et de personnalités de l'Algérie «va accentuer la crise diplomatique, politique et même militaire qui secoue actuellement les relations entre ces deux Etats», selon le grand reporter. Depuis la normalisation des relations diplomatiques entre le royaume du Maroc et l'entité sioniste, écrit Lmrabet, «les Algériens affirment et crient que le Maroc est devenu la base-arrière d'Israël au Maghreb, que l'ennemi sioniste s'est installé à leurs portes et qu'une guerre de quatrième génération a été déclarée à leur pays (l'Algérie)». «On en riait un peu. Plus maintenant. La confirmation qu'un logiciel espion israélien a été utilisé par le Maroc pour les espionner consoliderait leurs certitudes», dira-t-il. Et d'ajouter : «Un élément non négligeable va dans le sens de cette éventualité. Nous pensions tous que les Marocains avaient eu vent du transfert urgent du président de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd), Brahim Ghali, pour être hospitalisé en Espagne, grâce au tuyau d'un super-agent de la DGED (Direction générale des études et de la documentation, le service de contre-espionnage dirigé par Mohamed Yassine Mansouri).» «Aujourd'hui, il est plus que probable que l'information soit venue d'un téléphone algérien infecté par Pegasus», a estimé l'auteur de l'article. Et de conclure : «Nous sommes aujourd'hui à l'aube d'une crise internationale qui ne fait que commencer.» APS