Le conflit qui dure depuis plus de huit mois au Soudan, a fait des milliers de victimes et déraciné des millions de personnes, et l'ouverture, récemment, d'un nouveau front à Wad Madani risque de compliquer les choses, alors que les tentatives de médiation se sont jusqu'à présent révélées infructueuses. Le Soudan est plongé dans le chaos depuis le 15 avril dernier, lorsque les tensions latentes entre l'armée régulière, dirigée par Abdel Fattah Al-Burhan, et les Forces de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdane Daglo, ont dégénéré en guerre ouverte, l'une des plus rapides au monde. Depuis, les civils n'ont connu aucun répit face aux violences qui ont fait, selon l'ONU et des ONG, plus de 12.000 morts, pour la plupart des civils. Lorsque la guerre a éclaté, les combats se sont d'abord concentrés à Khartoum, mais se sont rapidement étendus à d'autres régions. Ils ont désormais atteint la ville stratégique de Wad Madani, la capitale de l'Etat d'al-Jazira, qui était jusque-là épargnée par les hostilités. Cette ville est devenue un refuge pour des milliers de déplacés depuis le début de ce conflit, et nombre d'entre eux sont contraints de fuir pour la deuxième fois en moins de neuf mois de guerre. Ces nouveaux combats ont contraint les organisations humanitaires à y suspendre leurs activités. A l'ouest du Soudan, c'est l'escalade au Darfour qui préoccupe la communauté internationale. Les récentes atrocités commises dans la région, complètement désertée également par les agences humanitaires depuis avril, ont incité le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à déclarer en juillet qu'il enquêtait sur des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Pénuries, aides insuffisantes et médiation sans succès La violence qui s'est étendue, a entraîné le déplacement de 7,1 millions de personnes, soit près d'une personne sur sept dans le pays : plus de 5,6 millions de personnes déplacées, dispersées dans les 18 Etats du pays et 1,5 million ont trouvé refuge notamment au Tchad, au Soudan du Sud et en Egypte. Le conflit dévastateur et la violence meurtrière, associés au déclin économique continu, ont plongé environ 17,7 millions de personnes à travers le Soudan (37% de la population) dans des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë, prévient l'ONU. Selon la Classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC) des Nations unies, si les conditions ne s'améliorent pas d'ici au mois de mai, les familles commenceraient à vivre une situation "catastrophique". En outre, l'insécurité, les déplacements, l'accès limité aux médicaments, aux fournitures médicales, à l'électricité et à l'eau continuent de poser d'énormes défis à la prestation de soins de santé dans tout le pays. Selon le ministère soudanais de la Santé et l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 7.700 cas suspects de choléra, dont 216 décès, ont été signalés dans neuf Etats au 15 décembre. D'autres épidémies, notamment la rougeole, le paludisme et la dengue, ont été signalées dans plusieurs Etats du pays, dont environ deux tiers de la population n'ont pas accès aux soins de santé, tandis que plus de 70% des établissements de santé sont hors service. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) affirme que le Soudan représente la plus grande crise humanitaire au monde, mais le plan de réponse n'est financé qu'à 33%. Aussi, le conflit a privé d'école environ 12 millions d'enfants depuis avril, et le nombre total d'enfants non scolarisés au Soudan atteint les 19 millions, ont rapporté des ONG et l'ONU. Après avoir laissé entrevoir de possibles pourparlers, le sommet de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), instance multilatérale d'Afrique de l'Est, qui s'est réuni les 9 et 10 décembre à Djibouti, éprouve finalement des difficultés à faire asseoir les parties au conflit à la table des négociations. L'IGAD participe aux efforts de médiation visant à mettre fin au conflit, aux côtés de l'Arabie saoudite et des Etats-Unis, qui ont facilité une série de pourparlers indirects entre les belligérants début novembre, sans succès. Là dessus, l'ONU est consciente de son incapacité d'agir. "Nous pouvons dire que nous avons échoué à empêcher" la guerre au Soudan, qui a pris l'ONU "par surprise", avait admis, début mai, son chef, Antonio Guterres. Par ailleurs, et à la demande de Khartoum, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté, le 1er décembre, pour mettre fin à la Mission intégrée des Nations unies pour l'assistance à la transition au Soudan (MINUATS).