Les combats faisaient rage, hier, à Khartoum alors que l'armée et les paramilitaires en lutte pour le pouvoir au Soudan devaient discuter en Arabie saoudite d'une nouvelle trêve. Comme chaque jour depuis le 15 avril, les habitants de la capitale se sont réveillés dans le vacarme des bombardements, sans eau ni électricité et avec très peu de réserves en nourriture et en argent. Ironie du sort, des témoins rapportent que l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane mène des raids aériens sur le quartier de Riyadh -qui tire son nom de la capitale saoudienne- quelques heures avant le début à Djeddah, ville saoudienne, de négociations entre ses représentants et ceux des Forces de soutien rapide (FSR) du général rival Mohamed Hamdane Daglo. Des combats ont aussi lieu ailleurs dans la capitale. Les Etats-Unis et l'Arabie saoudite sont à la manoeuvre sur le plan diplomatique, parlant de «discussions pré-négociations» et exhortant les belligérants à «s'impliquer activement» pour un cessez-le-feu. Avant de se livrer cette guerre sans merci, les généraux Burhane et Daglo avaient mené ensemble en 2021 un putsch qui a mis fin à la transition démocratique, évinçant les civils du pouvoir, entamée après la chute de Omar el-Bachir en 2019. Les deux camps répètent depuis des jours que leurs émissaires discuteront uniquement «des détails de la trêve» plusieurs fois renouvelée mais jamais respectée. Aucun volet politique n'est prévu dans l'immédiat. L'armée a confirmé envoyer ses négociateurs à Djeddah et vouloir discuter d'un cessez-le-feu. Le général Daglo, lui, a «remercié l'Arabie saoudite d'accueillir ces discussions» tandis que l'ancien ministre civil Khaled Omar Youssef, limogé lors du putsch, a dit espérer «une solution politique globale». Selon des responsables soudanais, les FSR seront représentées par des proches du général Daglo et de son puissant frère Abderrahim, qui passe pour le financier des FSR via ses mines d'or.. Côté armée, seront présents des haut-gradés connus pour leur hostilité aux FSR, selon ces mêmes sources. Les Saoudiens sont de grands alliés et bailleurs de fonds des deux camps au Soudan. Et les Etats-Unis ont permis le retour du Soudan dans le concert des nations en levant deux décennies de sanctions en 2020. Ces deux pays semblent vouloir prendre le pas sur les initiatives régionales. L'Igad, le bloc d'Afrique de l'Est, tente aussi de faire revenir les généraux à la table des négociations par l'entremise du Soudan du Sud, médiateur historique au Soudan. Samedi, l'Igad a dénoncé les violations de la trêve. L'Union africaine, elle, a perdu ses leviers de pression quand elle a suspendu le Soudan après le putsch de 2021, disent les experts. Quant à la Ligue arabe, elle doit réunir, aujourd'hui, les ministres des Affaires étrangères de ses pays membres, profondément divisés sur le Soudan. Sur le terrain, les combats qui entrent dans leur quatrième semaine ont fait quelque 700 morts, selon l'ONG ACLED qui recense les victimes de conflits. Ils ont aussi fait 5 000 blessés, 335 000 déplacés et 115 000 réfugiés, d'après l'ONU. Vendredi, ils ont également tué 12 civils à el-Obeid, à 300 km au sud de la capitale, selon le syndicat des médecins. Au-delà des victimes directes, ce conflit fait progresser la faim, un fléau qui touchait déjà un tiers des 45 millions de Soudanais. Selon l'ONU, entre 2 et 2,5 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de malnutrition aiguë d'ici six mois si les combats continuent. Pour les experts, la guerre sera longue tant les deux belligérants semblent avoir les mêmes capacités de combat et être peu enclins à engager des négociations politiques avant de l'avoir emporté sur le terrain. Les Soudanais, eux, vivent toujours barricadés de peur des balles perdues sous une chaleur écrasante et désormais en grande partie privés de téléphone: l'opérateur MTN a annoncé l'arrêt de ses services car il ne peut plus alimenter ses générateurs en fuel. Au Darfour (ouest), dans l'ouest frontalier du Tchad, des civils ont été armés pour participer aux affrontements mêlant militaires, paramilitaires et combattants tribaux ou rebelles, selon l'ONU. Près de 200 personnes y ont été tuées, selon l'ONG Norwegian Refugee Council (NRC). À Port-Soudan, sur la côte épargnée par les violences, l'ONU et de plus en plus d'ONG tentent de négocier l'acheminement de cargaisons d'aide vers Khartoum et le Darfour où hôpitaux et stocks humanitaires ont été pillés et bombardés.