Plus enclins à ajouter quelques journaux aux courses quotidiennes du mois de Ramadhan, le lectorat oranais trouve, visiblement, dans le geste de feuilleter des titres de la presse nationale un moyen parmi d'autres de meubler le temps en ces longues et chaudes journées d'août. Assis, bien à l'ombre, à l'entrée de l'immeuble où il habite, Ali se donne le temps de lire son titre préféré de la presse locale. Il est en congé et excepté les corvées domestiques routinières, il dit ne "rien avoir d'autre à faire tout au long de la journée" que de se rabattre sur la lecture assidue de la presse. Ce quinquagénaire, comptable, explique que durant le mois de Ramadhan il accorde une attention particulière à la presse, en tout cas plus que d'habitude, et qu'il s'intéresse davantage à des sujets de circonstance. "Je m'intéresse surtout aux pages consacrées à la religion et aux sujets abordés par certains spécialistes en la matière. J'avoue ma relative ignorance dans ce domaine. Je trouve donc là une opportunité pour apprendre de nouvelles choses sur la vie cultuelle d'ici et d'ailleurs", dit-il, satisfait de sa stratégie. Certains journaux d'Oran consacrent aux "Islamiyate" jusqu'à trois pages entières et axent, par souci d'interactivité avec leur lectorat, sur les conseils religieux, outre des sujets sur l'Islam et ses figures marquantes. Mahmoud, par contre, "dévore pratiquement tout le contenu de deux journaux au moins, les pages Sports avant tout", et "passe tout en revue y compris les petites annonces et les longues contributions qui n'intéressent, pourtant, qu'une certaine catégorie de lecteurs". "Ne pas jeûner idiot" Pour ce retraité de l'Education, "l'essentiel est de passer le temps" et de ne pas "jeûner idiot", si on peut dire. Et c'est chaque jour que la casquette rivée sur son crâne dégarni, il s'installe sur un des bancs du jardin "La roseraie" au centre-ville pour lire tranquillement ses journaux, avant de se livrer à sa passion de toujours: remplir en un quart de tour toutes les cases de mots croisés disponibles. "Il va sans dire que ce genre de jeux me permet d'entretenir ma mémoire et mes facultés cérébrales, et de m'occuper utilement, avant de rentrer tranquillement chez moi", souligne-t-il. Prévoyante, H'lima, femme au foyer et mère de trois enfants, a ouvert un chapitre "journaux" dans le budget de Ramadhan. "Un titre en arabe et un autre en français par jour", tient-elle à préciser. "Je m'intéresse à l'actualité nationale, dans son côté information pratique, et je reste frustrée quand je ne trouve pas suffisamment d'informations sur ma ville. Personnellement, je n'aime pas trop les longues analyses que certains journaux publient", explique cette dame visiblement contente qu'on lui offre sur un plateau l'occasion de dire ce qu'elle pense de la presse. Et les rubriques "Magazine" dans tout cela, avec les incontournables recettes de cuisine? "Bien sûr que ça intéresse la majorité des femmes mais il y a à redire s'agissant de plats nécessitant des ingrédients trop coûteux. Les journaux devraient tenir compte du niveau de vie de la majorité et publier des recettes abordables", estime Nawel, étudiante, un tantinet critique mais l'œil fixé tout de même sur une page entière de recettes pour friandises, histoire de compléter sa panoplie gourmande de l'Aïd. L'engouement pour la presse durant le mois de Ramadhan trouve son origine aussi dans la publication dans les colonnes de la presse, à cette occasion religieuse et festive, de jeux et concours dotés parfois de prix importants ou prestigieux. Ils seraient ainsi des milliers à "collectionner" les bulletins de ces concours et à chercher par tous les moyens les bonnes réponses, souvent faciles à trouver par ailleurs. Lorsqu'il le faut, les participants battent le rappel de toute la famille, leurs connaissances et bien sûr le Net. "Certains lots font rêver. Je tente ma chance et j'adopte l'adage selon lequel "qui ne tente rien n'a rien", reconnaît Houari, un accro des jeux et des concours que lancent la plupart des titres. Cette demande pour la presse fait assurément le bonheur des buralistes qui arrivent ainsi à écouler "facilement", semble-t-il, leurs quotas de journaux, parfois quel que soit le titre. "Bien avant midi, certains titres ne sont plus disponibles et il m'a été donné de constater que certains clients, lorsqu'ils ne trouvent pas leurs titres préférés, se rabattent sur d'autres d'habitude moins demandés", explique Abdelkader, un revendeur dans une artère très fréquentée d'Oran. C'est le Ramadhan et l'important, décidément, c'est que pendant la journée on trouve quelque chose à se mettre sous... la dent.