Les travaux en plénière des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale se sont ouverts, vendredi à Washington, sur fond de tensions entre les pays occidentaux et la Chine avec la politique monétaire comme champ de bataille entre les deux camps."Guerre des changes", "arme économique", "guerre commerciale", "chaos", un véritable lexique financier "martial" s'est développé, ces derniers jours, au fil des sorties médiatiques des argentiers des grandes puissances économiques occidentales qui se démènent dans tous les sens pour tenter de persuader la Chine, imperturbable, à assouplir sa politique de change. L'enjeu principal de cette question est que les Etats-Unis et l'Union européenne accusent la Chine de maintenir le taux de sa monnaie à un niveau artificiellement bas afin de soutenir ses exportations et de favoriser ses entreprises, ce qui nuirait, selon eux, à la création d'emplois et à la croissance économique dans leurs pays. Cette tendance a déjà amené, en septembre dernier, la Banque du Japon à intervenir sur les marchés en achetant des dollars pour faire baisser le yen, dont l'appréciation continue à pénaliser ses exportateurs, alors que certains pays émergents, comme la Corée du Sud ou le Brésil, ont emboîté le pas au Japon ou envisagent de le faire par d'autres moyens. D'ailleurs, la question monétaire sera abordée en priorité dans la réunion informelle des ministres des Finances du G7 en marge des assemblées générales des institutions de Bretton Woods. Dans sa toute dernière déclaration, le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, a souligné que les pays dégageant d'importants excédents devaient laisser leur monnaie s'apprécier pour empêcher une vague de dévaluations compétitives: "Quand de grandes économies disposant de taux de change sous-évalués font en sorte d'empêcher leur monnaie de s'apprécier, cela encourage d'autres pays à faire de même". Pour intensifier la pression sur la Chine sur la question des changes, le secrétaire américain au Trésor, dont le pays est le grand contributeur du FMI, entend même recourir à une sorte de "chantage" en appelant le Fonds à adopter une position plus agressive sur la monnaie chinoise au risque de compromettre les chances de la Chine et d'autres grands pays émergents de se doter d'une plus grande représentation au sein de FMI à travers les voix et les quotes-parts au sein de FMI dans le cadre de l'amélioration de sa gouvernance. Dans sa conférence de presse de jeudi, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, avait déploré un affaiblissement de l'effort de coordination des politiques économiques et monétaires au niveau mondial. "Tout le monde doit savoir qu'il n'y a pas de solution à l'échelle nationale à cette crise mondiale et l'on ne peut rééquilibrer l'économie mondiale sans conséquence sur son économie nationale'', a-t-il déclaré dans une allusion claire à la Chine. Mais devant cette situation, le FMI ne peut se plier facilement aux desiderata des Etats-Unis au détriment de la Chine. En effet, dans une conjoncture financière où les liquidités et les aides financières sont très rares, la Chine est l'un des rares pays disposés à acheter les obligations du Fonds pour contribuer à l'augmentation des ressources prêtables de cette institution financière internationale. Rejetant les appels incessants des pays occidentaux et refusant toute pression extérieure, la Chine, par son Premier ministre, Wen Jiabao, s'est défendue, la semaine dernière, arguant qu'en cas de hausse rapide du yuan, un grand nombre de ses sociétés exportatrices seront obligées de mettre la clé sous le paillasson et les travailleurs migrants retourneraient dans leurs villages. Mais certains analystes relèvent la responsabilité des pays développés, dont essentiellement la politique laxiste pratiquée auparavant par la Fed américaine, qu'ils accusent d'avoir déstabilisé les changes et forcé d'autres pays à défendre leurs exportateurs. Il est à rappeler que dans son dernier rapport, le FMI a abaissé sa prévision de croissance mondiale pour 2011 à 4,2%, alors qu'il tablait sur 4,3% en juillet dernier. Pour l'année en cours, il table sur une progression de 4,8%, contre 4,6% prévus auparavant. Dans les pays avancés, le Fonds table sur une croissance, qualifiée de fragile, de + 2,7% en 2010 et de +2,2% en 2011. Ainsi, le taux de croissance du PIB devrait s'établir à +2,6% en 2010 et à + 2,3%en 2011 aux Etats-Unis, à +1,7% et à + 1,5% dans la Zone euro. La croissance de la Chine devrait progresser de 10,5% en 2010 et de 9,6% en 2011.