Entretien réalisé par Hani Mostghanemi/le soir d'algérie// Le coordinateur national du Mouvement de redressement se dit plus déterminé que jamais à défendre son parti. Dans cet entretien, Salah Goudjil revient, avec force détails, sur les causes du conflit qui oppose les néo-redresseurs au secrétaire général du Front de libération nationale et à ses partisans. La démarche «zaïmiste» et «capitaliste» imposée par Abdelaziz Belkhadem est, selon lui, totalement contraire aux principes fondateurs du FLN. A court terme, il craint que la division actuelle ne soit fatale au parti. Le risque d'une cuisante défaite, lors des prochaines élections législatives et locales, se profilent à l'horizon. Pour éviter une telle situation, le Mouvement de redressement reste engagé dans une «démarche de dialogue» avec la partie adverse. En signe de bonne volonté, la coordination qu'il préside a accepté l'action de médiation menée par un «comité des sages», un groupe d'anciens responsables du parti «respectables et respectés». Percutant et serein, Salah Goudjil estime que le Front de libération nationale est un parti d'avenir, une formation qui arrimera «l'Algérie à l'âge démocratique ». A condition, insiste-t-il, qu'il soit placé entre des «mains responsables et légitimes». Le Soir d'Algérie: Avec en arrière-fond la crise interne du FLN, quelle lecture faites-vous des résultats du renouvellement par l'Assemblée populaire nationale de ses structures internes ? Salah Goudjil : L'APN vient, en effet, de procéder, tout récemment, au renouvellement de ses instances dirigeantes, vice-présidence et bureaux de commissions. Il en est résulté quelques surprises pour le FLN. Première surprise, des députés, hier encore indépendants et qui n'ont rallié le parti que tardivement, se sont présentés aux élections organisées au sein de l'APN et ont été élus. Des députés membres éminents du bureau politique et du comité central, par contre, ne l'ont pas été. Deuxième surprise, le FLN a récupéré les postes de vice-président de l'APN et de président de la commission de la culture et de l'information qui revenaient de droit à un autre parti. Lequel parti avait décidé de geler sa participation aux travaux de l'APN. Cette récupération sans gloire contrevient aux traditions de notre parti. Il n'y a aucun honneur à tirer, quelques mois avant la fin de l'actuelle législature, de ce trophée de gloire virtuel. D'autant que les anciens titulaires des postes convoités n'ont pas démissionné de leur mandat. Ces deux surprises, ce sont des surprises, devraient interpeller l'attention du secrétaire général du FLN. Nous avons, là, la preuve matérielle qu'il existe une perte de légitimité interne au sein du FLN aggravée par une déficience au plan de l'éthique. Le différend qui vous oppose à la direction du FLN repose sur un conflit d'idées ou sur une volonté de s'approprier les postes de responsabilité au sein des hautes instances du parti ? La réponse magistrale vous est apportée par cet épisode du renouvellement des structures élues au sein de l'APN. Cette course effrénée derrière les postes de responsabilité à laquelle se livre l'actuelle direction du FLN risque de porter un coup fatal au parti. Ce qui intéresse le mouvement de redressement au sein du FLN, rassurez-vous, c'est le respect des statuts du parti. C'est le retour à la saine pratique du militantisme et à un exercice démocratique des responsabilités. Voilà le nœud de la crise qui sévit au sein du FLN. Le problème c'est, de manière fondamentale, la perte de légitimité des structures issues du IXe congrès du FLN. Le différend qui nous oppose à l'actuelle direction du parti ne porte pas donc sur un problème de positionnement par rapport à l'exercice des responsabilités, il porte sur le respect des statuts du parti avec le retour à la légitimité des instances du FLN. Mis à part cette dimension organique, quels sont les autres points de divergence ? La crise qui affecte le FLN est multidimensionnelle. C'est, d'abord, une crise organique qui affecte la légitimité des instances dirigeantes du parti. C'est, ensuite, une crise de valeurs qui se caractérise par l'altération du socle idéologique sur lequel s'appuie le FLN. C'est, enfin, une crise identitaire. Permettez-moi, cependant, d'insister sur l'absence de légitimité au niveau des instances supérieures du FLN, en particulier le comité central. Sur la base de l'appartenance familiale ou courtisane et, parfois, sur la base de la surface financière, certains membres du comité central ont été cooptés sans remplir les critères statutaires, à commencer par celui de l'ancienneté au sein du FLN. C'est la question nodale dans le différend qui nous oppose au secrétaire général du FLN. Car le comité central qui est, en quelque sorte, le Parlement du FLN, présente un vice de légitimité qui entrave le fonctionnement normal du parti. Vous avez parlé, néanmoins, d'abandon de valeurs traditionnelles du parti. Pouvez-vous être plus précis ? Il existe, en effet, une crise de valeurs au sein du FLN. La crise de valeurs porte sur le programme actuel du FLN, lequel, s'il comporte des aspects positifs, mérite des approfondissements sur bien d'autres aspects. Il reste en deçà des exigences de la situation actuelle, des attentes populaires par rapport au contexte national et des contraintes liées à la mondialisation. Le parti du FLN a adopté un programme lors de son dernier congrès qui ne pose pas problème. Dans toute opération d'embellissement, il y a la devanture et l'arrière-fond. Avec le programme, nous avons une belle vitrine. Une vitrine acceptable. L'arrière-fond, c'est différent. Aucune campagne d'explication n'a été organisée pour permettre aux militants de s'en imprégner et de le mettre en application sur le terrain. Ce programme, pour ainsi dire, est méconnu des militants de base du FLN. La guerre de positionnement a pris le pas sur toutes les autres priorités. Le programme a été complètement occulté alors que, dans la vie d'un parti, c'est la défense des idées qui doit déterminer tout le reste. Cet état d'esprit s'est installé, de manière sournoise, au sein du FLN et en a dévoyé le fonctionnement. Le parti est devenu une instance de redistribution de rente politique. C'est pourquoi des hommes fortunés, sans rapport antérieur avec le FLN, se sont infiltrés au sein du parti pour se porter candidats aux assemblées communales et wilayales et même à l'Assemblée populaire nationale. Cet état d'esprit, malheureusement, imprègne, désormais, tout le fonctionnement du parti. L'impression est que le FLN s'est transformé en un parti alibi qui ne sert que pendant les périodes électorales. Les élections sont envisagées dans une perspective qui dénature totalement l'activité militante. Les élections sont conçues comme un moyen de parvenir à des responsabilités publiques pour se servir à titre personnel non pour servir le pays. Vous ne pensez pas que c'est là un grave dévoiement des valeurs traditionnelles du FLN ? Ces intrus que vous évoquez, ce sont des détenteurs de capitaux qui auraient rejoint le FLN pour se servir de lui comme d'un tremplin à des fins personnelles ? Absolument. Vous avez des doutes sur l'intrusion du gros capital, parfois mal acquis, dans la vie politique du pays ? Référez-vous au communiqué du Conseil des ministres où le président de la République a indiqué qu'il souhaitait favoriser le déroulement d'élections libres et transparentes, avec même des observateurs pour les contrôler. Non sans insister sur la nécessité de bannir l'argent de la vie politique. Ce n'est pas l'argent, en effet, qui doit permettre l'accès aux responsabilités, c'est l'action militante et le sacrifice au service des idéaux communs à tous les Algériens. Au niveau du FLN, le mouvement de redressement est déterminé à combattre, de manière énergique, ce dévoiement dans la pratique du militantisme. Vous contestez le fonctionnement démocratique du FLN. Le secrétaire général de ce parti affirme, pourtant, que le renouvellement du bureau des structures locales s'est déroulé avec succès à l'échelle de tout le territoire national. Détrompez-le ! Les élections qui se sont déroulées au niveau des kasmate comme au niveau des mouhafadhate, surtout au niveau des mouhafadhate, n'ont pas respecté les règles les plus élémentaires de la démocratie. Ce sont les responsables nationaux qui ont choisi des candidats préalablement cooptés et qu'ils ont intronisés hors les assemblées générales de militants, à la faveur de cérémonies tenues, le plus souvent, dans des lieux privés. La presse nationale a rendu compte, assez fidèlement, du climat électrique qui caractérise la vie des structures de base du parti. L'examen de ces élections contestées et la nécessité de les refaire, c'est l'un des points majeurs que nous soulevons. J'en ai longuement discuté avec M. Abdelaziz Belkhadem lors de nos récentes rencontres. Au demeurant, pourquoi, selon vous, les déplacements du secrétaire général du FLN à l'intérieur du pays donnent-ils lieu, désormais, à des scènes de contestation d'une aussi rare violence ? A défaut de pouvoir se faire entendre, les militants de base du FLN, marginalisés et humiliés, privés du libre choix de leurs responsables, ont choisi, comme dernier recours, ce moyen pour exprimer leur réprobation vis-à-vis de la direction actuelle du FLN. Ce n'est pas un motif de plaisir, croyez-moi, que de voir le premier responsable du parti accueilli dans ce climat de rancœur par la base militante. Vous évoquez l'abandon du principe de la direction collégiale par le secrétaire général du FLN qui exercerait, de manière autoritariste, ses responsabilités. Pouvez-vous être plus explicite ? Le principe de la direction collégiale au sein du FLN renvoie au déclenchement de la Révolution, le 1er Novembre 1954. La direction collégiale, cela a été un principe intangible dans la direction du FLN de guerre. Chaque fois que le FLN s'est écarté de ce principe, les crises ont succédé aux crises en son sein pour son plus grand malheur. Le FLN, pour mémoire, a été porté par tout le peuple algérien, pas par un groupe de personnes. Aujourd'hui, aussi, le FLN appartient à tous ses militants. Il appartient à ceux qui votent pour lui et aux sympathisants qui agissent en sa faveur. Il faut craindre, pourtant, que certains soient tentés de s'en approprier. La menace d'une telle appropriation s'est manifestée dès la préparation du dernier congrès du FLN. J'avais eu, personnellement, dès le mois de décembre 2010, l'occasion d'évoquer cette menace. Lors de la réunion du conseil national du parti, ancienne appellation du comité central, j'avais, en effet clairement évoqué devant les 520 membres de cette instance dirigeante du parti, la démarche insidieuse qui visait à conduire à l'abandon du principe de la collégialité. Ce n'était pas pour le plaisir d'apparaître. Les statuts adoptés, depuis, lors du congrès du FLN disposent, par exemple, que le secrétaire général du parti désigne, unilatéralement, le bureau politique, le mouhafedh et même le président du groupe parlementaire. N'est-ce pas le «zaïmisme», ce phénomène que nous pensions banni à jamais, qui pointe le nez à la veille du cinquantième anniversaire de l'Indépendance ?! Vous avez, également, évoqué l'absence d'opportunités offertes à la jeunesse et aux femmes qui ne peuvent accéder en fonction de leur poids aux instances élues du parti. Pouvez-vous étayer votre affirmation ? Nous avons un peuple à composante majoritairement jeune. Dans les universités, nous allons recevoir près de 1 500 000 étudiants. Sans compter les 8 millions de jeunes Algériens qui vont à l'école. Comment réfléchir à l'avenir du FLN sans prendre en compte cette composante essentielle de la population ? Chaque fois que le secrétaire général du FLN se déplace, 500 à 1 000 jeunes sont bien réunis pour applaudir l'orateur. C'est cela l'ouverture en direction de la jeunesse ? Voilà des jeunes à qui il est demandé, devant les caméras de télévision, de se saisir du flambeau alors qu'ils n'avaient jamais, auparavant, connu le FLN. De la pure démagogie ! C'est au niveau des kasmate et des mouhafadhate, au contact du terrain, que se déroule le travail de sensibilisation pour préparer l'adhésion des jeunes au FLN. C'est la tâche de tous les jours. Cette préoccupation est totalement absente dans la démarche actuelle du FLN. Au passage, prenez acte de la déliquescence, presque provoquée, de l'UNJA, qui fut, autrefois, le fer de lance dans la vie politique du pays. Ce sont, malheureusement, d'autres partis que le FLN qui tentent d'occuper ce terrain d'extrême importance. Venonsen aux femmes. Ce n'est sans doute pas sans raison que le président de la République a prévu dans son programme de réformes une avancée essentielle qui consacre le rôle de la femme dans la vie politique. C'est un phénomène qui touche tous les partis présents sur la scène nationale mais le FLN est, de tous les partis, le mieux placé pour intégrer la femme au sein de ses structures. A défaut de le faire, c'est la loi qui va le lui imposer. Le FLN est coupé de ses réserves, de ce qui devrait constituer sa force vive. Ouvriers, fellahs et intellectuels, voilà le vivier naturel du FLN que l'actuelle direction livre en pâture aux autres partis. Le FLN, pourtant, reste le parti le mieux placé pour absorber l'énergie de la jeunesse, de la femme et celle de l'élite nationale. Cette sève qui pourrait lui permettre de se transformer en un vrai parti moderne capable d'imprimer la vie future de la nation. Pour cela, il aurait fallu que le FLN vive en symbiose avec la société. C'est loin d'être le cas. Il faut supposer, alors, que le mouvement de redressement que vous animez a pris, pour sa part, des dispositions concrètes pour s'ouvrir à la jeunesse et aux femmes ? Parfaitement. Nous préparons, actuellement, une conférence nationale ouverte à tous les militants de base et aux cadres du FLN qu'ils aient rejoint ou non le mouvement de redressement. Cette conférence aura à dégager une plate-forme politique qui va, en particulier, clarifier notre position sur les réformes politiques en cours. Il s'agira, simultanément, de préparer les prochaines élections avec, éventuellement, des listes propres de candidats. Les candidats proposés auront une moyenne d'âge de 40 ans. C'est un engagement solennel que prendra la conférence. Il coule de source que la proportion femme/homme dans ces listes sera déterminée, à minima, par la loi qui est en préparation. Il n'en reste pas moins que le projet politique du mouvement de redressement reste ambigu aux yeux de l'opinion publique. Quelles précisions pouvez-vous apporter à ce sujet ? Encore une fois, sur le plan formel, le programme adopté par le IXe congrès du FLN n'est pas en cause. Il reprend, pour l'essentiel, les idées qui constituent le socle de valeurs traditionnelles du parti. Probablement, un toilettage est nécessaire qu'il faudra confier aux nombreux experts de valeur qui végètent au sein du FLN ou qui évoluent, réservés, à sa périphérie. Dans tous les cas de figure, c'est le congrès souverain qui aura à trancher sur le plan politique. Examinons les points de divergence avec l'actuelle direction du FLN. Nous considérons, par exemple, que l'actuelle direction du FLN a vidé ce programme de sa substance essentielle qui concerne la primauté de la justice sociale. Justice sociale envisagée avec grandeur de vue, pas dans une perspective misérabiliste qui sied mal à notre parti. Il ne s'agit pas de campagnes de bienfaisance, il s'agit de répartition équitable du revenu national. Le mouvement de redressement, faut-il le souligner, n'est pas hostile au libéralisme économique dans un reflexe de rigidité doctrinale. L'efficacité économique est indispensable pour le développement pérenne du pays. Ce libéralisme économique doit, seulement, ne pas être antinomique avec l'impératif de justice sociale qui a guidé l'action du FLN depuis sa naissance. Toute déviation par rapport à cet axiome sera combattue par le mouvement de redressement et par la base du FLN elle-même. Le secrétaire général du FLN s'inspire, volontiers, d'exemples étrangers à notre réalité, en particulier celui de l'ancien parti dirigeant de l'Egypte qui, avec les résultats que l'on connaît, avait prôné l'ouverture du parti, non pas aux laissés-pour-compte de la société mais aux classes parasitaires et compradores. Par classes parasitaires, il faut entendre ceux qui, s'adonnant à l'économie souterraine, manipulent l'argent dans les sachets en plastique noir. Ce ne sont pas les entrepreneurs laborieux et patriotes qui sont en cause. Ceux-là ont leur place, tout naturellement, au sein du FLN. C'est le respect de l'équilibre entre classes sociales, ce fondement de la doctrine du Front de libération nationale, qui ne doit jamais être perdu de vue. Vous avez évoqué une crise d'identité au sein du FLN. Pouvez-vous être plus précis ? Volontiers. Rappelez-vous la fameuse déclaration liminaire de la Proclamation du 1er Novembre 54 : «La restauration de l'Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.» Cette déclaration liminaire avait constitué la référence permanente pour caractériser le socle identitaire du FLN. Progressivement, au lendemain de l'indépendance nationale, la dimension amazighe s'est greffée jusqu'à être constitutionnalisée à l'initiative du président Abdelaziz Bouteflika. Désormais, ce triptyque arabité-islamité-amazighité constitue le socle identitaire de référence de l'Algérie. Il l'est, d'autant plus pour le FLN avec cette particularité que le soubassement nationaliste imprègne l'identité dans son ensemble. Tous les aménagements et tous les enrichissements que pourrait connaître le socle identitaire de l'Algérie s'articulent, nécessairement, autour de ce soubassement nationaliste. Aucune des trois dimensions de ce socle identitaire ne doit étouffer l'autre ni, a fortiori, occulter le soubassement nationaliste que je viens d'évoquer. Pas de place aux définitions étriquées qui peuvent conduire à des politiques réductrices de l'identité nationale. Actuellement, le FLN subit des tiraillements à propos de cette question qui risquent de conduire vers des dérives gravissimes. Il faut, absolument, se prémunir contre les formules d'apparence sibylline qui sont dangereuses car, au fond, elles visent à altérer la doctrine du FLN et brouiller l'image du parti auprès du peuple algérien. Le mouvement de redressement œuvre pour que soient mis en place des garde-fous, en quelque sorte des leviers institutionnels au sein du parti pour faire barrage à tout responsable national du FLN qui serait tenté de prendre unilatéralement ses aises avec ses fondements essentiels de l'identité contenus dans la doctrine du FLN. En clair, il s'agit, là aussi, de prévenir l'instauration de ce «zaïmisme » rampant qui vise à déposséder les militants de tout moyen de contrôle sur leurs dirigeants. Oui, la dimension organique de la crise au sein du FLN est bien le cœur du différend car c'est elle qui commande tout le reste. Le mouvement de redressement se considère-t-il concerné par les recommandations que le secrétaire général du FLN, M. Abdelaziz Belkhadem, a remises à la commission Bensalah ? Comment se sentir concerné par des recommandations qui suscitent des réserves au sein même du comité central du FLN ? Notre démarche diffère de celle de la direction actuelle du FLN. Le mouvement de redressement a mis en place une commission qui a travaillé d'arrache-pied pour élaborer des propositions qui ont été adoptées par notre instance dirigeante. Elles seront examinées lors de la conférence nationale que j'ai évoquée et feront partie intégrante de la plate-forme qui sera publiée. Nous avons tranché, en tout état de cause, aussi bien sur le nombre de mandats présidentiels que sur le rôle des différentes institutions ainsi que sur la nature du régime politique. L'opinion publique est étonnée de voir le président de la République, président d'honneur du FLN, se désintéresser de la crise interne qui affecte ce parti. Comment expliquez-vous pareil paradoxe ? Le président de la République, président de tous les Algériens, occupe la tête du FLN. C'est le secrétaire général du FLN qui cultive l'ambigüité en entretenant l'amalgame entre ses responsabilités au sein du parti et sa charge gouvernementale de ministre, représentant personnel du chef de l'Etat. Autrement, la crise qui sévit au sein du FLN est un problème organique interne qui interpelle les seules parties concernées, directement, au sein du parti. Vous devez être confronté à la nécessité d'expliquer votre démarche aux partis qui évoluent sur la scène nationale. Avez-vous initié des contacts en ce sens ? Le mouvement de redressement du FLN n'a engagé aucun contact avec les partis que vous évoquez. Nous considérons, faut-il le répéter, que la crise actuelle est un problème interne au parti. C'est au sein du FLN que la crise doit se dénouer. Il s'agit, par tous les moyens, de parvenir à une solution qui, par delà les personnes, permette la sauvegarde du FLN. Vous ne pensez pas, justement, que la crise actuelle risque d'affaiblir le FLN dans la perspective, notamment, des prochaines échéances électorales ? L'objectif du mouvement de redressement est de sauvegarder le FLN et de lui permettre d'occuper sa place naturelle dans la vie politique du pays. Mais il est évident que le FLN va perdre les élections si la division en son sein perdure. Qui devrait, le cas échéant, porter la responsabilité d'une telle défaite ? Ceux qui sont en train de dévoyer le fonctionnement du FLN dans une course effrénée aux postes de responsabilité ou ceux qui exigent le retour à une saine pratique du militantisme ? Le souhait du mouvement de redressement est de dépasser la crise actuelle pour pouvoir aller vers les prochaines élections, en rangs unis, avec un FLN rénové et doté d'un projet ambitieux. Cet objectif est à portée de main si le secrétaire général du FLN, convaincu que l'unité des rangs est primordiale, s'engage à parvenir à un dénouement par le dialogue de la crise actuelle. Le souhait du mouvement de redressement national est de voir le FLN vaincre aux prochaines élections législatives. Mais, si l'actuelle direction du FLN persiste dans sa démarche d'exclusion, le risque existe de voir notre parti défait. C'est une perspective qui ne réjouit pas le mouvement de redressement même si ses membres partagent la conviction que l'alternance au pouvoir est un principe qui doit être respecté. Que pensez-vous des desseins de ceux qui souhaitent ranger le FLN au musée ? C'est une idée récurrente mais saugrenue. Il s'agirait, en somme, de placer les idées du FLN au musée ? Ceux qui développent cette thèse en veulent moins au FLN qu'au projet qu'il incarne. Nous sommes à l'ère du multipartisme et chaque parti à son programme. Le FLN, aussi, a le sien. Laissons le peuple décider en toute transparence. Finalement, vous imaginez le FLN plus au musée ou plus à la tête du pays ? Choquer pour choquer, je vais choquer. Le FLN n'est pas un parti de musée, c'est un parti d'avenir ! Il dispose de toutes les ressources utiles et de tout le potentiel requis pour être, en collaboration avec les autres forces politiques nationales, le parti qui fera arrimer l'Algérie à l'âge démocratique. Il suffit que le FLN soit confié à des mains responsables, des mains sûres, des mains ingénieuses ; bref, des mains légitimes. Vous avez raison de penser que s'il veut survivre et s'imposer durablement sur la scène nationale, le FLN doit se soumette à une remise en cause déchirante. Assurément, cette tâche exaltante nécessite l'apport des forces vives de la nation, des classes laborieuses pour l'ancrage dans la société mais aussi pour la sève créatrice, la jeunesse, la femme et les élites nationales. Dans cet esprit, nous, membres dirigeants du mouvement de redressement, ne prétendons pas pouvoir incarner la direction de ce prodigieux mouvement de ressourcement du FLN. Nous voulons tout juste être des facilitateurs. Nous avons l'humilité de ne pas considérer que l'avenir nous appartient individuellement. La lucidité, indiscutablement, commande de passer le relais à la jeunesse. De manière très concrète, quel est votre échéancier pour l'avenir ? Nous menons notre action sur deux fronts. Sur le plan organique, le mouvement de redressement est déterminé à finaliser toutes les actions projetées. La conférence nationale, sans aucun doute, se tiendra et si la crise n'aura pas été, encore, dénouée, nous aurons nos propres candidats armés de la plate-forme qu'ils auront à défendre. Notre souhait reste, toutefois, que la crise puisse, rapidement, se dénouer par le dialogue. Nous en sommes à la deuxième réunion de conciliation avec le secrétaire général du FLN. Celui-ci a exprimé, sur le plan formel, une certaine disponibilité à accéder aux demandes du mouvement de redressement. Sur le plan pratique, cependant, il efface cette bonne disposition en exigeant que les membres dirigeants du mouvement de redressement viennent à Canossa, en quelque sorte, pour se justifier devant un comité central dont la légitimité est contestée. Un comité central qui, par ailleurs, aura été, forcément, instruit pour rejeter les points d'accord possible qui auront été, le cas éventuel, dégagés. De toute manière, le mouvement de redressement national est en conclave pour écouter les comptes-rendus que je lui présente de mes entretiens avec le secrétaire général du FLN pour décider, chaque fois, de la conduite à tenir. Vous restez attachés à un dénouement interne de la crise du FLN ? Nous sommes, actuellement, engagés dans une démarche de dialogue. Nous avons accédé, en effet, à la médiation tentée par un comité de sages, d'anciens responsables du FLN respectables et respectés, qui avait souhaité rapprocher l'actuelle direction du parti de notre mouvement. Nous avons voulu prouver, ainsi, que notre démarche n'était pas une démarche d'obstruction contre le parti mais, au contraire, une démarche de consolidation du parti. Nous sommes ouverts au dialogue tant que ses portes sont ouvertes. Si celles-ci sont fermées, de manière frontale ou de manière déguisée peu importe, le mouvement de redressement avisera.