Selon une enquête nationale réalisée dans les années 1990 par l'Institut national de la santé publique, les affections respiratoires, tout particulièrement les maladies à caractère chronique et à leur tête l'asthme, occupent le 2e rang des motifs d'hospitalisation, 35% de morbidité et 27,2% des motifs de consultation. Le doigt est pointé sans équivoque vers la pollution de l'air dont les effets désastreux sur cette pathologie sont dénoncés dans tous les forums traitant de ce sujet. La dernière en date remonte au mois de mai 2004 où un parterre de scientifiques s'étaient rencontrés à l'université Mentouri pour stigmatiser ce phénomène et tirer la sonnette d'alarme sur un fait admis et reconnu : la pollution de l'air a atteint sur le Vieux Rocher le seuil d'alerte en raison d'une concentration énorme de véhicules au centre-ville, de la vétusté extrême caractérisant les moyens de transport en commun « responsables, selon cette source d'information, de l'émission au quotidien de quantités astronomiques de monoxyde de carbone, de dioxine de carbone, de benzène et autres polluants automobiles ». Le Dr Halima Lahmer, pneumo-phtisiologue en poste au CHU Constantine, en plus de la charge de travail assumée à ce niveau, assure des consultations hebdomadaires à l'unité contre la tuberculose et les maladies respiratoires, domicilié dans le bas quartier Rahmani Achour (ex-Bardot). Une double casquette qui la place aux avant-postes du combat mené contre ces maladies qu'elle connaît parfaitement bien, au moins autant que les facteurs déclenchants qu'elles dénoncent d'ailleurs avec virulence. « Dans la majorité des cas qui se présentent à nous, on se rend compte que les risques sanitaires liés à la pollution de l'air par les émanations des gaz d'échappement automobiles sont bien réels. Par ailleurs, de nombreuses études épidémiologiques ont prouvé que les concentrations importantes de polluants toxiques, dégagés par la circulation automobile à Constantine, dépassent de plus en plus le seuil de tolérance, créant de la sorte une situation alarmante directement responsable de la prolifération des maladies respiratoires, notamment de l'asthme qui occupe plus de 50% de la pathologie des affections respiratoires auxquelles nous sommes chaque jour confrontés. Personnellement, je rends responsable l'inadaptation des plans de circulation en vigueur à Constantine, l'intensité du trafic automobile, la vétusté du parc autos et surtout ces infects bus Tata qui empoisonnent l'atmosphère de notre ville. Je regrette, par ailleurs, le gros retard accumulé dans la généralisation de l'essence sans plomb et du GPL comme gaz carburant dont, malheureusement, le coût de reconversion est toujours peu attractif et les moyens techniques toujours insuffisants », expliquera le docteur Lahmer. Un constat sans fard conforté par l'une de ses collègues engagée dans le même combat, Farida Bourghoud, pneumo-phtisiologue et chef de service à l'Uctmr du Bardot (ex- DAT). Celle-ci, forte d'une longue expérience acquise sur le terrain, étaye ses propos par un bilan chiffré de l'année 2004 : « En dehors des consultations assurées au niveau du CHUC et des annexes Uctmr de Boudraâ Salah, Aïn El Bey et Bouchama, l'unité de Rahmani Achour accueille chaque mois environ 200 malades souffrant d'affections respiratoires, essentiellement atteint d'asthme et de bronchite chronique, des pathologies liées essentiellement à la pollution de l'air qu'on peut aujourd'hui qualifier de fléau tant ses répercussions sont catastrophiques sur la santé publique. Pour le compte de cette année, nous avons assuré 2712 consultations dont plus d'un tiers concernent les maladies respiratoires. Un chiffre qu'il faut multiplier par trois, sachant que le CHUC et les autres Uctmr accueillent également de nombreux malades. En 2003, ils étaient 2360 et en 2002 près de 3000 dont 1056 cas d'asthme qui ont été traités à notre niveau. Dans ce contexte, le taux de morbidité demeure préoccupant malgré le train de mesures prises par les autorités sanitaires pour combattre cette maladie. Mais, comme l'a souligné ma collègue, tant que le mal ne sera pas combattu à la racine, les remèdes envisagés resteront insuffisants. »