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Naili Douaouda Abderrezak. Ancien directeur général des impôts et membre du Comité de la réforme de l'Etat (présidence) « La réforme des finances locales : une urgence nationale »
Pourquoi y a-t-il, d'après vous, des communes riches et des communes pauvres ? Il n'y a pas des communes riches et des communes pauvres. Il n'y a que des communes pauvres. La preuve est que les 80% des communes algériennes n'arrivent même pas à assurer les salaires des fonctionnaires. Une autre preuve est que l'Etat intervient cycliquement pour éponger les dettes des communes (30 milliards de dinars cette année). Ceci étant, il y a des communes encore plus « pauvres » que la moyenne des autres communes. Cette situation trouve son origine, notamment, dans le dernier découpage territorial (création de communes économiquement non viables) et dans l'inégal développement économique des régions de notre vaste pays N'est-ce pas que la fiscalité locale est inexistante en Algérie du fait que les administrations locales sont réduites à recevoir leur quote-part de revenus fiscaux via les dotations budgétaires ? En Algérie, on ne peut proprement parler de fiscalité ou de finances locales tant qu'une réforme profonde n'est pas engagée pour déterminer de manière précise les moyens financiers de sa mise en œuvre, notamment fiscaux qui doivent être déterminés au niveau local. L'Etat étant le principal pourvoyeur de fonds des APC, le fait-il de manière judicieuse, d'après vous, quand on sait qu'au moins 1300 communes n'arrivent même pas à payer les salaires de leurs fonctionnaires ? Il est vrai que le financement du développement local s'effectue à travers des dotations budgétaires centralisées. Cependant, il convient de noter que les projets ainsi financés sont initiés et arrivent aux différents niveaux locaux (communes, daïra, wilaya), ce qui favorise la promotion de l'initiative locale. Par ailleurs, la question des salaires impayés renvoie à l'insuffisance chronique des budgets locaux et au partage inégal de la ressource fiscale entre l'Etat et les collectivités locales (10 à 15% des ressources pour les communes en Algérie, 20 à 25% dans les pays développés). D'aucuns pensent que la façon dont sont gérées les finances locales est archaïque, voire anachronique au regard des défis immenses du développement local. Qu'en pensez-vous ? La réponse à cette question renvoie à la nécessaire réforme des finances locales qui, pour nous, doit déterminer les missions locales et les ressources définitives de leur financement. Cette réforme prendrait également en considération la modernisation de la gestion, la solidarité entre les communes et les nécessités de l'aménagement du territoire. L'administration fiscale déplore souvent des problèmes de recouvrement au niveau local. S'agit-il d'un défaut de compétence ? Après la réforme du système fiscal, l'administration est actuellement engagée dans un vaste processus de réorganisation et de modernisation de ses structures et de ses modes de fonctionnement. Il reste à espérer que les fruits de cette réforme se feront sentir au niveau local dans un proche avenir. Le niveau du recouvrement fiscal dépend aussi des autres éléments, tels que le civisme fiscal, l'implication et l'aide des autorités publiques locales, l'organisation du commerce, la lutte contre l'informel et la fraude. La révision annoncée des codes communal et de wilaya est-elle, d'après vous, de nature à libérer les énergies et introduire des normes modernes de gestion ? Il faut l'espérer. Cette réforme est attendue par tous. Je pense que les pouvoirs publics sont maintenant conscients de la nécessité d'une adéquation entre les missions et les moyens. En tout cas, la situation financière actuelle du pays offre une occasion historique et très favorable pour parachever le processus global des réformes financières, dont la réforme des finances locales. Les recettes fiscales ne représentent que 12% des ressources budgétaires des collectivités locales. Pourquoi l'administration centrale rechigne-t-elle à concéder des attributions à ses représentations locales pour un meilleur recouvrement ? Les 12% dont vous parlez ne représentent que le montant des recettes fiscales des affectations directes. En réalité, plus de 90% des ressources budgétaires des collectivités locales proviennent de la fiscalité via d'autres canaux, tels que le budget d'équipement de l'Etat ou le fonds commun des collectivités locales. Ici, il convient, par ailleurs, de conforter les efforts des collectivités locales pour améliorer le niveau des recettes patrimoniales propres. Votre question renvoie, en tout état de cause, à l'urgence de la réforme des finances locales afin de rechercher le juste équilibre entre centralisation, déconcentration et décentralisation. Actuellement, les conditions financières sont réunies pour garantir le succès de cette opération.