Sur informations fournies par leurs homologues français, les services des Douanes algériennes ont intercepté dimanche dernier, au port d'Alger, cinq containers bourrés de cigarettes de marque Legend. Selon les responsables douaniers, il s'agit d'une opération internationale de contrebande de cigarettes à destination de plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée et de certains pays européens, notamment la France. Dès son embarcation à bord du navire algérien Eddough, la marchandise a été signalée aux services des Douanes qui ont mis sur place un dispositif pour l'accueillir à son arrivée le 12 décembre dernier. Identifié, l'importateur avait déclaré sur le manifeste qu'il s'agit de sanitaires alors que le scanner a révélé une tout autre nature de la marchandise. Ce qui constitue une infraction au code des douanes relatif aux fausses déclarations douanières. En procédant à l'ouverture des cinq containers (de 40 pieds chacun) le 13 décembre dernier, les douaniers ont découvert 240 000 cartouches de cigarettes Legend, des imprimantes de marque Epson et quelques sanitaires. A elles seules, les cigarettes représentent, selon toujours les mêmes sources, une valeur de 240 millions de dinars. Cette affaire laisse cependant planer de lourdes interrogations. D'abord parce que depuis plus d'une année, les prises de ce genre sont devenues rarissimes, pour ne pas dire, inexistantes. La contrebande de cigarettes a tendance à changer de « route ». En effet, les contrebandiers préfèrent de plus en plus les frontières maritimes, notamment le port d'Alger, pour l'acheminement de leur marchandise, en comptant sur la complicité des agents censés contrôler le commerce extérieur. Comme pour les routes du Sud, les contrebandiers « achètent » carrément la « sécurité » au niveau des ports. Ce qui explique la mise sur le marché d'importantes quantités de cigarettes, d'alcool, de pétards et d'allumettes pakistanaises (à l'effigie de Marlboro) sur le marché. Il s'agit des mêmes filières, des mêmes réseaux et des mêmes parrains. La découverte de cette semaine au port d'Alger n'aurait jamais eu lieu si les services français n'avaient pas alerté leurs homologues algériens. Selon des sources sécuritaires, le navire en question devait accoster au port de Skikda, où probablement tout a été « travaillé, c'est-à-dire acheté » par les responsables de ce réseau. Les services français, qui suivaient de près cette marchandise, auraient intercepté des communications entre l'armateur et l'importateur. Informé, ce dernier aurait demandé à l'armateur de changer d'itinéraire pour accoster à Alger. Qui a informé l'importateur du renforcement du contrôle douanier à Skikda ? A ce stade actuel de l'enquête, aucune réponse n'a été donnée. Néanmoins, beaucoup de questions entourent le limogeage du divisionnaire des Douanes à Skikda par sa plus haute hiérarchie, il y a quelques jours seulement, au moment même où le navire accostait au port d'Alger. Existe-t-il un lien entre cette décision et cette affaire ? Force est de croire que cette affaire n'a rien à voir avec un simple contentieux lié à une fausse déclaration douanière. Elle met en évidence le système de fonctionnement d'un des courants de fraude les plus dangereux et qui a des ramifications internationales. Elle dévoile assez bien le phénomène de la corruption qui gangrène les institutions de l'Etat et qui facilite la situation de déliquescence de ces dernières.