A l'entrée de la cité Saïd Hamdani à Lakhdaria, dans la wilaya de Bouira, une masure en briques rouges attire l'attention ; c'est une forge encore en activité. A l'intérieur, Saïd Boudraâ, forgeron de son état, travaille avec la fierté d'être le digne successeur d'un père forgeron, mort en 1995, après 63 ans de métier. « Mon père avait travaillé le plus normalement du monde le mercredi. Le lendemain, jeudi à l'aube, ma mère l'a trouvé sans vie sur son tapis de prière », raconte Saïd avec émotion. Et d'ajouter : « Un mois plus tard, j'ai rouvert la forge, et j'y suis toujours. » Saïd avait eu bien sûr tout le temps pour faire son apprentissage aux côtés de son papa, ce qui l'a grandement aidé à reprendre l'activité. D'ailleurs, Saïd a gardé le même matériel (le soufflet, le marteau, l'enclume, etc.) vieux de plus de 50 ans, mais, en raison de l'indisponibilité du charbon sur le marché, il s'est rabattu sur le bois. A notre question indiscrète sur ce qu'il gagne, Saïd n'a pas trouvé d'inconvénients à étaler dans la presse son revenu. « Je gagne en moyenne 7000 DA par mois », avoue-t-il sans gêne. A une autre question, liée celle-là au devenir de ce métier en voie de disparition, Saïd répond en exprimant un souhait, « Les métiers séculaires, dont celui de forgeron, doivent être maintenus ». Pour rappel et selon des anciens de Lakhdaria, cette localité comptait pas moins de huit forgerons dans ses murs, dont cinq originaires du village Ouled Bellemou. Aujourd'hui, seul Saïd Boudraâ, ce forgeron trentenaire et fier de l'être, continue à faire tinter le marteau sur l'enclume. Et rien que pour ça, il mérite le respect.