Ardeur n Originaire d'Ihitoussène, Dda Salah, comme l'appellent les gens de la région, 67, ans continue de servir la population en dépit des multiples contraintes qui entourent son métier. Moussaoui Salah est le seul forgeron qui continue de perpétuer une tradition pourtant ancestrale dans la région de Bouzeguène. Agréable et modeste, il nous a réservé un accueil chaleureux dans son atelier. Il nous dira qu'il a quitté le village à 11 ans. Tout comme ses aînés, il a sillonné les différentes wilayas de l'est, entre 1959 et 1968, comme apprenti à ses débuts, mais vite il a maîtrisé toutes les techniques de la forge et est devenu salarié. En 1968 il rentre au village où il sera fonctionnaire à l'APC, toujours dans le domaine de la forge, jusqu'en 1976. Une époque où les fonctionnaires étaient rémunérés en denrées alimentaires et quelques sous. «Notre travail était rémunéré avec de l'huile et de la farine, plus 3,5 DA», nous confie Dda Salah. En 1976 il quitte son poste de fonctionnaire pour ouvrir sa propre forge pour servir ses concitoyens 35 ans durant. Un service qu'il continue d'assurer en dépit de son âge avancé. A l'intérieur de son atelier, notre attention est attirée par la forge où il fait chauffer le fer, non pas avec du charbon, mais avec du bois. Comme s'il lisait dans les pensées, Dda Salah explique : «Ne vous étonnez pas…, ce n'est pas une technique nouvelle mais c'est mieux que le coke qu'on nous propose.» Et c'est alors que notre interlocuteur se met à dresser la longue liste de tous les problèmes qu'il rencontre au quotidien. A en croire Dda Salah, aujourd'hui, les forgerons de Kabylie et tous ceux d'Algérie se débattent dans d'inextricables problèmes d'approvisionnement en matière première (le fer sous toutes ses formes) et en combustible (le charbon), cédés non pas par l'Etat mais par une multitude d'intermédiaires à des prix exorbitants. Il nous fait savoir, en outre, que durant les années 1960 et 1970, les forgerons étaient dispensés de taxes et bénéficiaient d'un amortissement fiscal, «ce qui n'est pas le cas aujourd'hui», déplore-t-il. Et d'ajouter que les forgerons achetaient du très bon charbon riche en matières volatiles et donc résistant, pouvant être ravivé même après plusieurs heures de non-activité du foyer. Maintenant avec du coke, obtenu après la distillation de la houille et qui est très pauvre en matières volatiles, le forgeron doit tout le temps souffler sur les braises qui s'éteignent rapidement. Un déchet presque sans valeur, cédé à ces malheureux forgerons à 5 500 jusqu'à 6 500 DA le quintal, et ce, sans compter les frais de son transport. Des conditions qui font dire à Dda Salah que s'il continue à travailler «c'est d'abord par amour pour mon métier et aussi pour arrondir mes fins de mois car ma pension de retraite ne dépasse pas les 9 000 Da.»