Après plus d'une semaine de négociations houleuses, les représentants des 153 pays membres de l'OMC, réunis à Genève, peinent toujours à trouver un accord sur l'agriculture et les produits industriels, les deux points au cœur du cycle de Doha, lancé fin 2001 au Qatar. Hier, les ministres des sept principales puissances commerciales (Etats-Unis, Union européenne, Brésil, Inde, Chine, Australie et Japon) ont entamé une énième réunion marathon pour tenter d'aplanir les difficultés et de rapprocher les points de vue qu'éloignent le souci de sauvegarder les intérêts nationaux. Encore une fois, les frictions ont caractérisé les rencontres, transformant l'ébauche de l'accord soumis par Pascal Lamy, vendredi dernier, en un véritable texte de discorde. Des tensions sont ainsi apparues entre les Etats-Unis, la Chine et l'Inde, mais également au sein du camp européen. Le mécanisme de sauvegarde, permettant aux pays en développement de relever leurs droits de douane en cas de flambée des importations de produits agricoles, apparaissait hier comme la principale pierre d'achoppement sur laquelle butaient les négociations. L'Inde, la Chine, l'Indonésie, la Turquie, les Philippines et les autres pays du G33 (groupe de pays en développement très dépendants de quelques produits agricoles) exigent que le mécanisme de sauvegarde puisse être déclenché le plus rapidement possible, lorsque le flux des importations met en danger leur production. « Je ne veux pas mettre en danger la sécurité alimentaire de millions de paysans », a déclaré à la presse le ministre indien du Commerce Kamal Nath. « Les Etats-Unis cherchent à favoriser leurs intérêts commerciaux, je cherche à protéger le niveau de vie et la sécurité des fermiers », a-t-il encore lancé hier. Le riz pour l'Inde, la Chine, l'Indonésie ou les Philippines, les huiles végétales pour l'Inde, la viande pour la Corée du Sud sont autant de produits que ces pays cherchent à protéger des flux d'importation excessifs. La ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, a pour sa part estimé hier que « le compte n'y est pas et que l'équilibre n'est pas atteint, même si nous avons tous l'ambition d'arriver à un accord ». « Aujourd'hui, on s'aperçoit que les Indiens veulent protéger leur agriculture, que les Américains veulent pouvoir à la fois exporter leurs produits agricoles, notamment le coton, et protéger leur production industrielle », a expliqué la ministre de l'Economie. Les négociations sur le commerce mondial, qui auraient déjà dû aboutir fin 2004, restent ainsi en souffrance au risque de compromettre définitivement le cycle de Doha lancé il y a sept ans déjà.