Le patron de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Pascal Lamy s'est déclaré vendredi persuadé que le cycle des négociations commerciales de Doha pouvait encore arriver à bon port, malgré l'échec, la veille en Allemagne, d'une réunion entre ses quatre principaux acteurs (Union européenne, Etats-Unis, Brésil et Inde). Les 150 Etats membres de l'OMC se sont réunis à Genève vendredi autour de Pascal Lamy, pour qui l'absence d'accord au sein du “G4” ne signifie “pas la fin des négociations”. L'OMC s'est donné jusqu'à la mi-juillet pour surmonter l'échec du “G4” en reprenant le processus multilatéral. Dans trois semaines, une décision sera prise pour une éventuelle réunion au niveau ministériel. “J'ai parlé séparément aux quatre ministres et les quatre m'ont dit vouloir que le processus continue ici, à Genève”, a indiqué M. Lamy aux représentants des Etats membres. Tout en se rejetant mutuellement la responsabilité du “revers” de Potsdam, les représentants de Bruxelles et de Washington d'un côté, de Brasilia et de New Delhi de l'autre, ont assuré qu'un accord était toujours possible sur la libéralisation des échanges. “Le G4 est mort”, mais même si “c'est difficile”, un accord sur le cycle de Doha “n'est pas impossible”, a estimé le ministre brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim, après une entrevue avec Pascal Lamy à Genève vendredi. “C'est la fin du voyage pour le G4. Maintenant, c'est à l'OMC dans son ensemble de faire avancer le Cycle de Doha”, a renchéri depuis New Delhi le ministre indien du commerce Kamal Nath. “Nous sommes partis de Potsdam déçus, mais nous ne sommes pas prêts à laisser tomber”, a assuré la ministre américaine au commerce Susan Schwab après avoir échangé ses impressions avec M. Lamy. Le commissaire européen au commerce Peter Mandelson, qui a également fait le voyage de Genève, a estimé lui aussi que l'échec du “G4” en Allemagne ne signifiait pas la fin des négociations du cycle de Doha. C'est désormais dans un cadre multilatéral que les négociations vont se poursuivre, au soulagement de la majorité des pays en développement, qui se plaignent d'être tenus à l'écart des tractations du “G4”. “Cette négociation n'est pas une négociation seulement entre quatre joueurs, c'est un effort collectif”, a rappelé M. Lamy. Les chefs des groupes de négociation sur l'agriculture et sur les produits industriels à l'OMC présenteront début juillet des textes de référence avec des indications chiffrées sur ces chapitres. Sur cette base, les Etats membres se prononceront sur la suite des négociations. Reste tout de même à ramasser les pots cassés en Allemagne, où les Etats-Unis et l'UE ont demandé en vain à l'Inde et au Brésil d'abaisser leurs droits de douane sur les produits industriels en échange de concessions sur l'agriculture. Selon le Brésil et l'Inde, qui ont été les premiers à claquer la porte, “il était inutile de poursuivre les négociations compte tenu de ce qui est sur la table”. Pour M. Amorim, les représentants de Washington et de Bruxelles se sont rendus à Potsdam en s'étant mis d'accord au préalable sur les concessions qu'ils attendaient de Brasilia et de New Delhi concernant l'ouverture des marchés aux produits industriels occidentaux. “L'Inde et le Brésil étaient sur des positions extrêmement rigides”, a répliqué Mme Schwab. “C'était moins une négociation qu'une vente aux enchères, avec le commissaire priseur qui disait: mettez plus sur la table, plus, encore plus...”, a-t-elle regretté. De leur côté, “les Etats-Unis étaient venus avec l'intention de parvenir à un accord, de faire preuve de flexibilité, de faire (leur) part et d'aider ainsi à la convergence” des points de vue, a assuré la négociatrice américaine. Les Européens étaient “prêts à donner beaucoup” à Potsdam, mais New Delhi et Brasilia offraient “trois fois rien en retour”, a regretté de son côté M. Mandelson.