Considéré comme l'un des auteurs les plus illustres de sa génération, le poète palestinien Mahmoud Darwich fait partie de ces auteurs qui s'inspirent des tragédies vécues par leurs peuples pour s'exprimer sur tout ce qui touche à l'humanité. Décédé samedi dernier à l'âge de 67 ans dans un hôpital de Houston aux Etats-Unis où il a subi une intervention chirurgicale, il laisse derrière lui une œuvre qui compte près de trente ouvrages traduits dans quarante langues. Outre l'identité, les souffrances et les affres de l'exil de son peuple, Mahmoud Darwich s'inspire de tout ce qui touche à l'humanité comme la mort, la paix, l'amour, la guerre pour donner à son œuvre une dimension universelle. Dans son poème Fresque sur le mur, il dit : « ...Nous disons beaucoup de choses à présent, Du coucher du soleil sur la terre menue. Sur le mur pleure Hiroshima… Une nuit s'en va, et, dans le plein midi, Nous n'emportons de notre monde Que la forme du trépas.(1) (…) » Darwich a rimé sur la terre, lui étranger dans son pays, lui qui a connu l'exil et rencontré d'autres exilés et porte comme eux dans sa chair sa terre. Les mots sont arrachés ainsi aux déchirures, à la douleur et à la patrie de la mort. Elles lui inspirent ces vers de Le poème de la terre qui évoque les enfants de la pierre et l'Intifadha : « ( …) Je nomme la tourbe, prolongement de mon âme. Je nomme mes mains trottoir des plaies. Je nomme les gravats, ailes. Je nomme les oiseaux, amandes et figues. Je nomme mes côtes, arbres. Et du figuier de la poitrine, je détache une branche, Je la lance telle une pierre Et je détruis le char des conquérants. (…) » Dans Psaumes, il disait : « Lorsque mes mots étaient Tourbe… J'étais l'ami des épis. Lorsque mes mots étaient Colère… J'étais l'ami des fers. Lorsque mes mots étaient Pierre… J'étais l'ami des ruisseaux. Lorsque mes mots étaient Révolte… J'étais l'ami des séismes. (…) » Mahmoud Darwich cisèle les mots pour guérir des maux. Nietzsche disait que la vie sans musique est une injustice. A lire Darwich, il est permis de déduire que la vie sans poésie est un fardeau. A ceux qui en veulent aux mots, à la liberté et imposent l'enfer à leurs semblables, le poète a lancé un jour : pouvez-vous apprendre un peu de poésie pour arrêter le massacre ? (1) Les extraits de poèmes cités ont été tirés de l'ouvrage de Mahmoud Darwich : La terre nous est étroite. Traduit de l'arabe par Elias Sanbar. Paris. Editions Gallimard 2000.