« Les consignes données par le ministère de l'Intérieur aux préfectures afin qu'elles multiplient les reconduites effectives (soit les expulsions d'étrangers , ndlr) ont eu pour effet immédiat le développement des interpellations de toutes sortes : interventions dans les squats, opérations de contrôle ciblées dans des quartiers à forte population étrangère, ou encore arrestations aux guichets des préfectures », relève la Cimade (service œcuménique d'entraide), dans un document de 40 pages intitulé « Rétention administrative des étrangers : une déshumanisation croissante des pratiques ». A l'occasion de la Journée internationale des migrants (18 décembre), la Cimade lance « un grand cri d'alarme quant aux pratiques de plus en plus systématiques, arbitraires et abusives d'enfermement des migrants. » Depuis la mise en œuvre de la loi Sarkozy du 26 novembre 2003, « les convocations pièges aux guichets des préfectures tendent à devenir courantes », note l'association. « Lors des passages devant les tribunaux, il faut attendre des heures dans des cellules crasseuses, les mauvaises odeurs, les cris, et les bruits de menottes », lit-on dans le document de la Cimade, qui publie pour la première fois une cinquantaine de témoignages d'étrangers recueillis depuis un an dans plusieurs centres de rétention. Ainsi, M. D., chanteur de raï algérien entré régulièrement en France au printemps 2004, fait la connaissance de Mlle S. Les deux jeunes gens projettent de se marier au cours de l'été. La date du mariage est fixée au 17 août. Le 11, la préfecture de Haute-Garonne prend un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de M. D., qui est placé dans un centre de rétention administratif. Le couple obtient l'autorisation de se marier dans le centre de rétention. Trois jours plus tard, le chanteur de raï est reconduit vers l'Algérie. La Cimade relève que de plus en plus d'enfants sont placés en rétention en même temps que leurs parents. Ces récits, indique la Cimade, illustrent comment « la culture du chiffre » finit par « saper l'équilibre existant entre le respect de la personne et l'usage de la contrainte ». Et comment « les considérations humanitaires s'évanouissent petit à petit dans la gestion quotidienne des dossiers ». La France et ses voisins européens n'ont pas encore ratifié la Convention internationale de protection des migrants adoptée par les Nations unies en 1990.