Cette année, le Festival de Locarno « nage » dans le système Nanni Moretti. On le voit partout, on traque le moindre passage du cinéaste romain à la Sala Rex pour voir ce qu'il va nous sortir encore. Sa rétrospective intégrale a attiré une grande foule. Mercredi 13 août, on a revu Caro Diaro (journal intime) qui date de 1993. Locarno (Suisse) : De notre envoyé spécial C'est une suite de chapitres comme dans un livre. On voit Nanni Moretti en train d'écrire. Puis, sur sa « Vespa », il part dans une longue virée dans Rome déserte au mois d'août, sur la bande sonore, on entend Didi, la chanson de Khaled. Moment émouvant quand le cinéaste se rend sur les lieux, un no man's land sinistre, où Pier Paolo Pasolini a été assassiné. Le chapitre deux s'appelle les îles. Moretti fuit Rome et s'évade dans les îles éoliennes, comme Ulysse parti pour un long périple. Voici d'abord l'île de Lipari, un chaos d'automobiles, chaos sonore aussi de klaxons. Moretti se réfugie dans un salon de thé. Il boit une orange pressée et soudain son regard est attiré par l'écran de télévision. La belle Silvana Mangano est vêtue comme une nonne, on voit à peine son regard merveilleux. Mais la séquence d'après, la Mangano est très légèrement vêtue et danse un mambo endiablé sur la musique d'un orchestre cubain. Longue et superbe séquence ! Le rythme entraîne Moretti dans une imitation sympathique, bien que laborieuse (le cinéaste romain a toujours rêvé d'être danseur...) Cette séquence de plaisir intense est tirée du film Anna de Alberto Lattuada. Le périple se poursuit. L'île suivante où Moretti débarque n'est pas non plus l'endroit rêvé pour se retirer, écrire et réfléchir, alors, il reprend le bateau pour une autre île, où il se rend vite compte qu'il y a une drôle de situation. Les habitants sont tous soumis à leurs gosses, à la dictature de « l'enfant unique »... Toute leur vie est suspendue à la volonté de leurs gosses ! Il fuit encore une fois pour accoster à l'île du volcan, Stromboli. Ce film hanté par les îles, c'est peut-être une image de Rome avec ses quartiers cloisonnés, où rien ne relie les gens entre eux.