Qui n'a pas vu les 62 lions sculptés de la Mostra de Venise, rugissant sur le parvis du Palazzo del Cinema, sous un ciel déchiré par les éclairs et secoué par le tonnerre, n'a rien vu... La 62e Mostra de Venise ne ralentit pas son allure. Alors que la pluie tambourine sur les toits, on oublie les inquiétudes d'un été très chaud et on se rue vers les salles. En fait, toutes les salles de la Mostra se disputent notre attention, en attendant le grand palais, plus beau encore, dont l'édification est annoncée par David Croff, le président de la Biennale de Venise, dont la Mostra constitue l'une des nombreuses sections. La Mostra pour nous est d'abord arabe. Le cinéma arabe poursuit sa conquête lente mais sûre des festivals et du public occidental. Marco Muller, directeur de la Mostra, n'ignore rien de la scène arabe et de la civilisation islamique (il a des liens de parenté en Egypte) et par conséquent, tous les ans, ce festival scrute les horizons du cinéma dans le monde arabe. Cette année, c'est la Palestine avec une œuvre saisissante de Rachid Moshraoui, et l'Algérie et la Tunisie avec un double hommage à Belkacem Hadjadj, dont deux œuvres sont présentées à la sala Pasinetti. Machaho et Al Manara (ce film concourt pour le prix Citta di Venezia). Tandis que le cinéaste tunisien Ibrahim Letaïef présente son film court mais magnifique intitulé Visa. Cinématographiquement riche en bonnes surprises, la 62e Mostra sollicite l'attention avec les 20 films sélectionnés pour la compétition d'auteurs dans la plénitude de leur art. Comme le surdoué Philip Garrel, comme Patrice Chréneau qui accompagne chaque film d'une mise en scène d'opéra ou de théâtre ou comme Manoel de Oliveira des mains duquel, tous les ans, jaillit un pur chef-d'œuvre. Et ça dure depuis des décennies, puisque le cinéaste portugais est aujourd'hui âgé de plus de 90 ans. Dans la compétition, il y a aussi trois films italiens, ce qui prouve que le cinéma italien est peut-être sorti de sa crise. D'ailleurs, Nanni Moretti tourne à Rome son nouveau film Le Caméléon, un thème politique, comme d'ailleurs dans l'ensemble de son œuvre. Toutes les autres sections de la 6e Mostra méritent de bons commentaires. Celle-ci poursuit son histoire secrète du cinéma italien qui démontre bien que le cinéma actuel n'a absolument rien inventé et qu'il est conseillé d'urgence de venir revoir ici les grandes œuvres de Mario Brava, Massimo Dallamano, Ricardo Frida, Luigi Commencini et tant d'autres. Le pire reproche qu'on puisse faire au cinéma moderne (en Italie et partout ailleurs), c'est qu'il n'égale pas les grandes créations du passé. Ce qui illustre parfaitement la double rétrospective chinoise et japonaise (des années 1930 à 1970) avec des cinéastes phare comme Xijin et Mikio Naruse. Il est possible qu'on ne reverra jamais au Japon des œuvres aussi fortes que celles de Naruse, de Kenji Mizoguchi ou de Nobuo Nakgawa montrées à la Mostra. Le goût naturel de la Mostra pour les belles actrices fait que la présence ici de Monica Bellucci, qui apparaît dans une superproduction The Brothers Grimm de Terry Gilliam, fait sensation. De même que pour l'actrice au style fleuri et au charme sensuel, Stefania Sandrelli, qui est arrivée au Lido pour recevoir un Lion d'or d'honneur, couronnement de sa longue et brillante carrière.