Temps idéalement frais, pluie diluvienne : à Locarno, sur le lac Majeur, on échappe à la canicule et on voit débouler de toute la Suisse et d'ailleurs des centaines de cinéphiles prêts pour le marathon du 59e Festival du film qui s'achèvera le 12 août. Le public du festival n'est pas resté indifférent au film de Rachid Bouchareb Les Indigènes projeté sur un écran géant sur la Piazza Grande où 7000 à 8000 sièges étaient occupés bien avant que Rachid monte sur la scène pour présenter son film. Le festival de Locarno est un des lieux rares où l'abondance des films présentés, à la fois de niveau pointu et pour grand public, suscite un mouvement de foules attentives, curieuses de nouvelles découvertes, de nouvelles tendances, d'autres courants et d'autres pays de production. Cette année, le programme ambitieux « Open Doors » fait découvrir des œuvres venues d'Indonésie, de Thaïlande, de Malaisie et de Singapour. A Locarno, les films du grand cinéaste russe Alexandre Sokurov sont aussi à l'honneur à l'occasion de la remise du Léopard d'honneur au cinéaste. Et que dire de la grande rétrospective du génial cinéaste finlandais Aki Kourismaki. Lequel Kourismaki a obtenu carte blanche pour montrer ici aussi ses films préférés. Son premier choix s'est porté sur le classique des classiques au cinéma égyptien Bab El Hadid (gare centrale) de Youcef Chahine. Un chef d'œuvre en noir et blanc qui date de 1958, joué par Youcef Chahine lui-même, Hind Rostom, Farid Chawki, Hassan El Baroudi, Abdelaziz Khalil, Abdel El Nagdi… Gare centrale, lieu culte du Caire, microcosme de foules, de passions, d'amour et de folie, où se croisent des personnages noyés dans leur solitude. Une œuvre cruelle et émouvante, parfois drôle dans le rôle joué par Chahine, celui d'un clochard boiteux amoureux d'une belle vendeuse à la sauvette. Youcef Chahine a signé là son premier chef d'œuvre à propos duquel aujourd'hui Aki Kourismaki ne tarit pas d'éloges. Ce dernier aussi a débuté sa carrière comme acteur. Pour son premier film en tant que metteur en scène, Kourismaki a mis en scène sa propre version de Crime et châtiment de Dostoïevski, un film montré à Locarno d'un fort classicisme, très proche de Bresson. Tous les films suivants de Kourismaki témoignent de sa plus haute cinéphilie. Son université, c'était la cinémathèque de Tampéré dont il suivait les programmes de bout en bout, tous les jours. Kourismaki a aussi mis en scène, après Crime et châtiment, La vie de bohème, Au loin s'en vont les nuages, Les lumières du faubourg et L'homme sans passé. Toutes ces réalisations ont acquis aujourd'hui le statut de films cultes. En même temps, Kourismaki était devenu la bête noire des autorités officielles de Finlande, soucieuses de présenter une image florissante du pays. Alors que le cinéaste dépeint son pays d'une couleur plutôt grise. Dans ses films, les personnages sont dans un état plutôt précaire et « carburent » tout le temps à la bière et à la vodka. Une quarantaine de films suisses récents, déjà sortis en salle, sont réunis cette année à Locarno dans la section Appellations suisses. Sans compter les films suisses nouveaux sélectionnés dans les différentes sections du programme. La production suisse est en hausse chaque année. Et tient à rayonner dans l'atmosphère stimulante du Festival de Locarno.