Chaque nuit, les soirées de raï réunissent des centaines de jeunes et de moins jeunes dans les boîtes de nuit de la corniche oranaise. Pour un délire festif et collectif qui dure jusqu'au petit matin. La bouche bloquée en position ouverte et suant à toute eau pour mieux s'enivrer de décibels déversés par les baffles géants, des jeunes accros font parfois des centaines de kilomètres pour venir à Oran « pour délirer toute la nuit et s'éclater les neurones ». Chaque soir et tous les week-ends de l'été, de nombreux jeunes et moins jeunes, du fils de grand patron au simple fonctionnaire, arpentent les routes de la corniche oranaise à la recherche de leur nirvana d'une nuit. Les soirées, qui peuvent réunir de quelques dizaines à plusieurs centaines de jeunes, se tiennent dans des endroits plutôt fréquentés : Bousfer-Plage, Cap Falcon, Aïn El Turck, Bouisseville, Trouville, Claire-Fontaine, Paradis-Plage, St Germain et Saint Rock où sont érigés la plupart des « temples du raï ». Ces derniers sont étroitement gardés par des « vigiles » qui n'hésitent pas à exclure les fêtards trop bruyants ou sous l'emprise de l'alcool. « Dès que nous localisons des jeunes éméchés, on n'hésite pas à les exclure de l'établissement », affirme ce gorille peu amène. Pour Saïd, Disc-jockey (D-J.), les motivations des invétérés de la musique raï sont ailleurs. « Ce qu'ils recherchent avant tout, c'est cette impression de communauté, de liberté, de cohésion. L'ambiance est plutôt baba cool. » La spécificité de la musique raï, avec des sons hyper rapides et cadencés, est répétitive jusqu'à l'hypnose. « Les sons sont tellement travaillés qu'ils amènent les auditeurs à des états de conscience différents », nous explique-t-on. « C'est surtout durant la saison estivale que nous faisons chaque soir le plein », indique Hamid, gérant d'une boîte de nuit sur la corniche oranaise. Selon lui, des jeunes inconditionnels n'hésitent pas à parcourir des dizaines de kilomètres pour s'adonner à leur passion : danser toute la nuit aux sons du raï. « Des couples originaires d'Alger, de Annaba, de Aïn Defla et même du lointain Béchar viennent s'éclater aux sons de raï. Ils allient agréablement les vacances et leurs loisirs de prédilection », affirme Kamel, un autre gérant de boîte de nuit branchée. C'est là que réside, sans doute, le secret de la musique raï qui procure des émotions neuves. Pour beaucoup de cœurs en folie ou en déraison, la musique raï génère des relations humaines différentes. Si à ses débuts, le mouvement raï était intimement lié à la malvie chantée par les premiers raïmen, il déborde actuellement largement de ce cadre. « Depuis cinq années, nous enregistrons de nouvelles vagues successives d'admirateurs de la musique raï qui nous arrivent directement de la Belgique, des Pays-Bas et même du Canada où vit une importante communauté algérienne. Les groupes, qui sont essentiellement composés de jeunes Algériens issus de l'émigration, comptent à présent parmi eux des Canadiens qui ont pris goût à la musique raï », nous indique le propriétaire d'un night-club select. Et c'est dans la capitale du raï qu'ils jettent tout naturellement leur dévolu. Enfin, une autre musique, même des plus innovantes, ne pourra sans doute pas mettre un terme à un mouvement et à un phénomène qui mobilise tant de jeunes qui font des centaines (et des milliers) de kilomètres pour s'imprégner de raï et danser jusqu'au lever du jour.