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Corniche oranaise
Les charmes discrets d?el-Bahia
Publié dans Info Soir le 13 - 04 - 2004

Evasion Chaque nuit, les soirées de raï réunissent des centaines de jeunes et de moins jeunes dans les boîtes de nuit. Pour un délire collectif et festif qui dure toute la nuit.
Mais si beaucoup se contentent de danser et de planer sur la chanson raï, d?autres y ajoutent le «bouzendègue», la résine de cannabis. Oreilles percées de boucles d?or, regard enfiévré, joli visage béat rejeté en arrière, Farida danse. Son complice Ali virevolte en tous sens, tel un insecte de nuit rendu fou par la lumière des lasers et les chansons pathétiques de Houari Dauphin, la bouche bloquée en position ouverte pour mieux s?enivrer de décibels déversés par les baffles géantes. Le couple a roulé 300 km «pour délirer dans la nuit et s?éclater les neurones».
Mouvement natif d?Oran, la vague raï a déferlé au début des années 1970 par la grâce de Khaled Hadj Brahim, l?enfant terrible du quartier populaire d?Eckmühl. Chaque soir et tous les week-ends, des centaines de jeunes et de moins jeunes, du fils de grand patron au simple fonctionnaire, empruntent les routes de la corniche oranaise à la recherche de leur nirvana d?une nuit.
Dans la région oranaise, ils seraient au moins 100 000 inconditionnels de la musique raï.
Les soirées, qui peuvent réunir de quelques dizaines à plusieurs centaines de jeunes, se tiennent dans des endroits plutôt discrets : Bousfer-plage, Cap Falcon, St-Rock, Bouisseville, Claire-Fontaine, où sont érigées la plupart des boîtes de nuit. Ces dernières sont étroitement gardées par des vigiles qui n?hésitent pas à exclure les fêtards par trop bruyants ou sous l?emprise de la drogue. «Dès que nous localisons des jeunes sous l?effet des stupéfiants, on n?hésite pas à les exclure de l?établissement», affirme ce gorille peu amène. Les autorités n?ont, en effet, pas tardé à surveiller de près ces endroits. Motif : trafic et consommation de stupéfiants. Saïd, disc-jockey (D.J.) est conscient du problème, mais pour lui, les motivations des accros du raï sont ailleurs. «Ce qu?ils recherchent avant tout, c?est cette impression de communauté, de liberté, de cohésion. L?ambiance est plutôt peace and love.»
La spécificité de la musique raï, avec des «beats» hyper-rapides, généralement 120 battements par minute, répétitifs jusqu?à l?hypnose, explique la sensation décrite par nombre de branchés raï. «Les sons sont tellement travaillés et habituels à nos oreilles qu?ils amènent les auditeurs à des états de conscience différents», nous explique ce psychologue. La musique raï procure des émotions neuves qui, pour beaucoup de c?urs en déraison ou en folie, génèrent des relations humaines différentes. La consommation de drogue n?y est pas étrangère. Besoin de sensations nouvelles et sensuelles. Pour nombre d?adeptes des soirées raï non-stop, la seule musique ne suffit plus. Ils vont alors trouver leur bonheur psychédélique avec le kif (résine de cannabis). Décrit à tort comme la «poudre de l?évasion», le kif n?a, en réalité, rien d?euphorique ; cette drogue de synthèse, souvent mélangée à de l?aspirine ou à des psychotropes procure durant quelques heures un sentiment d?euphorie et fait oublier la fatigue.
Avec la résine de cannabis, on se trouve face à une nouvelle approche dans la consommation de drogues dites douces. «Le produit n?est pas une fin en soi, il est pris pour atteindre un but», analyse O. M., président d?une association de formation médicale.
Si aux prémices du mouvement raï, la prise de drogue était intimement liée à la mal vie chantée par les premiers raïmen, elle déborde actuellement largement ce cadre. On retrouve le kif lors de manifestations musicales les plus diverses.


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