Du 10 au 20 août, El Kala tente de renouer avec sa traditionnelle fête du corail, qu'on ne nomme plus de la sorte, pour ne pas rajouter à toutes les railleries colportées sur cette richesse pillée, symbole de la petite ville côtière et frontalière. L a ville et la wilaya proposent un riche programme comme des expositions, des jeux et des soirées musicales qui font danser les gens tard le soir, sur le cours de la révolution. En effet, des vedettes et des groupes connus du grand public se succèdent, chaque soir, devant la mairie au grand bonheur de tous car c'est gratuit. On ne peut pas en dire autant des places et lieux publics devenus payants pour les automobilistes, qui se plaignent comme jamais auparavant de l'état des chaussées. En plus des ornières « ordinaires », il y a cette année les tranchées creusées pour refaire les conduites d'eau. « Il nous faudrait la visite d'une bonne dizaine de ministres rien que pour voir bitumer les principales artères », nous dit ironiquement un chauffeur de taxi. Et puis, la circulation est épouvantable. Des bouchons, comme on n'en avait pas encore vu ici. Les policiers sont débordés et ils donnent du sifflet à vous crever le tympan, jusque même sous la pancarte où est écrit « Silence hôpital ». C'est le rush à El Kala depuis le 1er août. Les vacanciers de passage vers la Tunisie ou qui ont choisi El Kala comme destination finale, semblent s'être donné rendez-vous pour la même période. Les vacances, en effet, de plus en plus courtes car de plus en plus chères, et le ramadhan qui pointe son nez, font que les vacanciers ont opté pour la première quinzaine du mois d'août. Selon un responsable de la police des frontières il y a eu aux deux postes frontaliers d'Om Teboul et El Aïoun, plus de 12 000 passages le 1er août. Un record ! Les plages sont bondées dès les premières heures de la journée, polluées ou pas, surveillées ou pas. Elles sont prises d'assaut par des milliers d'estivants, des millions nous disent ceux qui ont une manière bien particulière de compter les baigneurs. Les familles, les groupes d'enfants ou des jeunes dévalent des hauteurs de la ville, où ils ont un gîte sous-loué dans les HLM ou les garages sans eau ni sanitaires. Les colonies de vacances, quand elles ne sont pas installées dans les écoles et lycéesce qui est interdit en principe s'entassent dans ces nouvelles « résidences » à l'hygiène douteuse. Là encore règne le désordre. Une pétition a circulé sur les agissements des plagistes qui s'approprient la plage, sous le nez des autorités. Celles-ci ont quelque peu réagi, puis sont retombées dans leur léthargie et les plagistes ont reconquis le terrain perdu. Les plages en dehors de la ville sont belles mais sales malgré la présence permanente, nous a-t-on assuré, de personnes spécialement chargées de leur propreté. Il est vrai aussi que l'incivisme fait des ravages. On jette n'importe où les ordures et les bouteilles en plastique ou en verre. Il n'est pas rare de voir ce genre d'objets jetés d'une voiture par des gens qui en apparence ont l'air très « bien ». En fait, tout donne à croire qu'El Kala et son parc national sont une grande décharge publique, qui trouverait à redire sur ce comportement devenu banal et habituel. « Alors et cette fête ? », demande-t-on à un restaurateur qui a pignon sur rue. « Des guirlandes au dessus des tas d'ordures, voilà ce que c'est vraiment la fête du corail. Ils sont aveugles ces responsables ? », nous répond-il sans même lever les yeux de la caisse. Les prix s'envolent pendant les vacances, le plat de couscous est passé de 300 à 500 DA en quelques heures. Sans blague. Ailleurs, la bouteille d'eau minérale est cédée à 80 DA dans une gargote qui ne paye pas de mine, mais où on s'y arrache les places. Pour le président de l'APC, qui a eu à son actif une bonne saison estivale lors de son précédent mandat, la population d'El Kala double en été. Elle passe de 12 000 à 25 000 habitants. En temps normal, l'APC n'a pas les moyens de collecter et d'acheminer vers le CET de Metroha (25 Km), les 6 tonnes de déchets quotidiens. Il faut user d'acrobaties pour enlever le plus gros. Et puis, ajoute le maire, M. Berrebib, « nous avons hérité d'une situation catastrophique et la préparation de la saison estivale ne s'est faite, en réalité, qu'avec l'installation du nouveau wali d'El Tarf au début du mois de juin. Auparavant, un différend avec la SG intérimaire, avait bloqué toutes les initiatives que nous avions prises dans ce sens ». Même situation pour l'éclairage public et par conséquent l'insécurité qui en découle dans des zones qui sont désertées par les estivants. Pour conclure, Le P/APC ajoutera qu'El Kala est une ville importante mais avec les moyens humains et matériels d'un douar. Les pêcheurs d'El Kala, ou pilleurs de corail, on ne sait plus faire la différence, sont au premier rang de la fête de la ville. En plus d'avoir fortement contribué au financement de la fête, ils ont pensé à leurs aînés et pris l'initiative louable d'honorer la mémoire des marins pêcheurs décédés. Ils ne les ont pas oubliés sur les quais, « c'est merveilleux », nous déclare une veuve en pleurs, profondément émue par le geste des plus jeunes. Mais si pêcheurs il y a, le poisson, en revanche est introuvable. Il faut avoir de solides relations sur les quais ou se ruiner au restaurant pour quelques merlans frits (3 merlans de taille moyenne pour 400 DA) ou une demi-douzaine de crevettes pas royales pour un sou. Le fameux poisson d'El Kala, celui qui a fait aussi sa réputation, s'exporte, s'échange en mer, ou passe subrepticement dans les centaines de camions-frigos des mareyeurs. Mais tout le monde n'est pas de la fête. Sur les hauteurs de la ville. Les gens, surtout les familles, préfèrent la promenade le long du boulevard mal éclairé. « Vous n'allez pas à la fête en bas ? », demandons-nous, « descendre, c'est facile mais pour revenir il n'y a pas de transport. Les taxis deviennent invisibles ou alors il faut se battre à la station. Les bus, faut pas trop en parler. Non seulement ils arrêtent leur service trop tôt mais en plus, on va bien plus vite à pied, surtout avec la circulation qu'il y a », nous répond un résident. Alors la fête, on la fait entre nous ici.