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LES GRANDS PHARES DU LITTORAL ALGERIEN
BEJAIA Cap carbon, le plus haut du monde
Publié dans El Watan le 12 - 07 - 2004

Le cap est une tête insulaire et toute en protubérances, qui tend dans l'eau une sorte de cou hérissé de roches blanches, de pins maritimes et de maquis. Le dôme aux pans abrupts, dressé en avant de la côte comme né d'une poussée sous-marine, penche dans l'autre sens puis monte en direction du Parc national de Gouraya dont il est le prolongement. Sa base, que fouette l'écume, est percée de part et d'autre par des arches qui fixent l'un des traits naturels caractéristiques de la région sur les bonnes vieilles cartes postales.
« Peu d'endroits de la mer Méditerranée sont d'un effet aussi surprenant, aussi beau que la vue sur l'extrémité du Cap Carbon », écrit Luis Salvator De Hasbourg, archiduc d'Autriche dans son livre Bougie, la perle de l'Afrique du Nord (réédité par L'Harmattan en 1999). Difficile quand même de croire que, bien des lustres après l'érection par Ptolémée II du fameux phare sur l'Ile de Pharos dans l'ancienne Egypte (285 av. J.-C.), l'antique Saldae, où tous les temps s'étaient conjugués avec l'activité navale, pas seulement dans l'imaginaire prolixe de la postérité, n'a pas eu sa sentinelle lumineuse, ou une ancêtre équivalente, en des âges autrement plus précoces. Bien avant les Français, les Béjaouis se sont distingués parmi les corsaires les plus redoutés, rapporte l'illustre Ibn Khaldoun. Pedro Navaro, un nom aux consonnes prédestinées, a conduit les compagnies espagnoles, pour l'installation de comptoirs coloniaux. L'empereur Charles Quint, conquérant parmi les conquérants, au nom de la Monarchie universelle, lui venait en renfort en cette citadelle tant convoitée. Puis les attaques turques conduites par le mythique Arroudj... Autant de monde qui, à une étape donnée de l'histoire, a pris la mer pour prendre Béjaïa. Les techniciens de l'Office national de signalisation maritime (ONSM) apprennent donc que l'érection du phare a été amorcée vers 1870, en cette même période où le port de Béjaïa fut érigé en port de guerre, par une administration française qui n'a pas hésité à exploiter des autochtones et qui comptait bien amarrer le sud de la Méditerranée au destin de la métropole.
Passé de navigateurs
L'irrégulière côte béjaouie offrait des pics et des paumes ouverts vers le ciel où l'on pouvait implanter phare et sémaphore. Le Cap Carbon est de ceux-là d'autant que son jaillissement en poste avancé dans la mer lui procure un surplomb panoramique sur cette grande bleue, labourée durant des lustres par les flottes commerciales entre deux ruées de navires de guerre qui montaient à l'assaut. Le périmètre est le territoire historique de colonies de singes magot, celles-là même qui continuent à peupler discrètement les hauteurs maritimes et à toiser la ville et ses pénates. La première incandescence, en provenance du cylindre du phare ne fut possible que durant l'année 1906. Le phare du Cap Carbon culmine à près de 242 m (jusqu'à l'axe de la lampe), au-dessus du niveau de la mer, alors que la tourelle proprement dite s'élève, quant à elle, à près de 15 m du niveau du sol constitué par le site naturel. La portée du phare, celle que le navigateur peut repérer à l'œil nu, oscille, quand les conditions climatiques sont favorables, entre 26 et 29 milles nautiques, soit un peu plus de 50 km. Phare d'atterrissage, tel que classé dans le jargon des navigateurs, par opposition au phare de jalonnement, celui du Cap Carbon ne balise pas seulement les trajectoires vers les bons ports, mais projette son faisceau pour rassurer que les quais de Béjaïa sont presque à portée de brasses. Par un chemin taillé à même les flancs de la falaise, la descente vers le cap, puis la montée vers le phare, est un moment de grand délice pour les yeux. L'eau est si limpide et ses reflets si nuancés en bas, que l'un de nos accompagnateurs, professionnel polyvalent qui connaît les coins et recoins du périmètre marin de Béjaïa, arrive à lire, sur la surface à peine agitée de la mer, les subtils reliefs du fond. « Le site était tellement beau avant que les incendies ne mordent si goulûment dans le manteau végétal. » Visiteur d'un jour, nous arrivons difficilement à croire que le site peut être plus beau qu'il ne l'est sous nos yeux ébahis. « D'ici, la vue est surtout belle vers l'ouest, sur la côte, avec le récif des pisans proéminent (...). Là, à l'ombre du versant, les eaux profondes sont d'un bleu particulièrement intense, presque comme la pierre Lapis Lazuli. Les bateaux à voile, qui apparaissent de temps en temps au loin, semblent des mouettes en comparaison avec la pyramide géante de la nature », s'éblouissait encore le prince autrichien, globe-trotter qui a succombé aux charmes de B'gayet. Notre arrivée à la plate-forme du phare interrompt ferme la méditation falote d'un singe sur un petit pic rocheux. Sans se presser le moins du monde, et l'air un peu ennuyé, le primate esquisse un mouvement traînard vers une autre saillie de la falaise et reprend sa posture béate. Ici, les singes font partie du décor et les gardiens du phare, le mot amusé, nous apprendront plus tard qu'il n'est pas bon de laisser les fenêtres et les portes des locaux de servitude ouvertes tant les magots ne se gênent pas pour se servir dans le garde-manger. « De sales types ces singes que je vous dit ! », plaisante ce gardien qui nous sert du café en guise de bienvenue. Organisé en ronde hebdomadaire de trois gardiens, le relais du personnel chargé du fonctionnement du phare est une sorte d'ermitage, intermittent certes. « Nous passons le temps à de petites tâches d'entretien, au contrôle du matériel... Pour le reste, nous avons la télé et la radio et surtout toute la beauté du cadre que vous voyez », décrit simplement un autre gardien un peu intimidé par notre virée. Demandez-le à tous les gardiens de phare, la hantise reste les salves aiguës des foudres qui ne parviennent pas à endiguer les systèmes de protection.
Coup de foudre
Sur place on nous montrera les impacts d'un éclair particulièrement foudroyant qui a brisé un quartier de roc et l'a envoyé en éclats avant de propager le feu dans les câbles des installations. Des recoins des sobres locaux gardent, en stigmates, des traînées de suie générées par les décharges venant du ciel. Dans la nuit des orages, on se tient donc le ventre. Sinon, quand le ciel renonce à tempêter, les paquets d'oxygène iodés venant du large relaient le murmure de l'immensité repue, selon le mot de Djaout, pour encore magnifier le havre haut perché et le rétablir dans sa quiétude éthérée. Sautter Harlé & Cie, Paris 1905. La plaque en cuivre vissée sur l'impressionnant cylindre du phare renseigne sur l'origine de l'installation. Cela amplifie l'impression d'être en face d'une pièce de musée, dès l'abord inspiré par le métal noble d'une lourde manivelle, l'éclat têtu de deux réservoirs, l'un à pétrole et l'autre à pression, une imposante cuve de rotation à mercure et la charpente robuste de la serre vitrée. Cela finit de conférer au tout l'aspect pointu et un peu kitsch d'une tour de contrôle. La disposition concentrique des verres taillés décuple l'éclat d'une lampe qui ne paye pourtant pas de mine, pour la propager en faisceau puissant vers le large. Un système alambiqué pour le profane, se plaçant entre le technologique, version des anciens, et l'artisanal ingénieux. Nous ne quittons pas le superbe nid sans avoir griffonné des mots sur le registre de visite inauguré au début du siècle dernier. Les pages jaunies du cahier, une autre pièce de musée ne sont pas épaisses malgré les strates des années. Le temps est une notion qui semble avoir une variante propre au phare. Il est vrai aussi que les visites sont rares dans ce dôme qui est autant ouvert vers le large que fermé, par le paravent majestueux de Gouraya, vers la ville toute proche. Lorgnées, quelques impressions de visiteurs couchées sur le papier, à des décennies d'intervalle, confluent toutes vers l'émerveillement. Nous y avons laissé, en sus, l'expression d'une nostalgie anticipée. Et pour cause. Les performances des nouvelles technologies de navigation, qui se fient plus à présent à l'omniscience des satellites beaucoup plus qu'elles ne guettent le fanal venant des côtes, repoussent de plus en plus le phare dans la réserve goulue des monuments du passé. Les concepteurs de la sentinelle qui tutoie la haute brume ne se sont pas doutés que le jour viendra où leur tension vers le ciel sera rendue pathétique par l'œil et l'ouïe de ces balises interactives qui balayent le monde arrimées à leurs lointaines orbites. Paradoxalement, la situation tend beaucoup plus à épaissir le mythe qui entoure les structures qu'à les disqualifier et les reléguer au rang de vestiges meublant la géographie de la mémoire. Même s'il devait un jour se satisfaire de ne cligner que par pure fidélité à sa vocation, le phare continuera sans doute à projeter ses éclats vers le large, quitte à braver les foudres du ciel et à communiquer via une linguistique en voie d'extinction.


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