La Russie appréhende visiblement les suites que pourrait enclencher son conflit avec la Géorgie. Elle se prépare à toute éventualité, même si les données en sa possession lui procurent autant de raisons de croire que le risque est moindre, sinon nul. On ne déclenche pas une guerre que l'on est sûr de perdre. C'est pourquoi rien n'est laissé au hasard et il ne faut surtout pas se fier aux déclarations des uns et des autres. La tenue, demain, d'un sommet européen extraordinaire en constituera un excellent baromètre. En effet, les vingt-sept sont invités à débattre de l'attitude à adopter à l'égard de la Russie et des sanctions par lesquelles l'UE pourrait contraindre Moscou à retirer ses troupes de la zone de sécurité en territoire géorgien, lisait-on vendredi dans le quotidien Kommersant. Deux projets de résolution sont aujourd'hui à l'étude : un projet polonais qui prévoit de prendre des mesures assez dures et un projet italien qui ne contient qu'une critique floue. Une source proche du Kremlin a déclaré que Moscou s'attendait effectivement à des sanctions européennes. Selon elle, deux mesures ne suscitent presque aucune divergence parmi les pays européens : la suspension des négociations sur l'Accord de partenariat et de coopération (APC) et la décision attendue de l'UE d'intensifier les efforts en vue de diversifier les livraisons de ressources énergétiques en Europe. La première mesure n'inquiète pas trop Moscou : les négociations sur l'APC ont commencé avec beaucoup de retard à cause du veto de la Pologne et de la Lituanie et, d'ailleurs, elles n'ont pas une importance fondamentale pour la Russie. Elles ne jouent qu'un rôle symbolique et signifient que les rapports entre la Russie et l'UE se développent normalement, ce qui ne peut en aucun cas être constaté dans la situation actuelle. Mais la deuxième mesure est assez dangereuse. Elle signifie, en fait, que des obstacles pourraient être dressés devant la mise en œuvre des projets russes de construction des gazoducs Nord Stream et South Stream. Bien plus, les Européens se prononceront certainement en faveur de la mise en œuvre accélérée du projet de Nabucco, un gazoduc par lequel les hydrocarbures de la Caspienne pourront être transportés en Europe en contournant la Russie. Visiblement, Moscou n'est pas restée les bras croisés puisqu'elle compte s'entretenir avec certains de ses partenaires européens en vue de les persuader d'adopter des formules plus floues et de s'abstenir de prendre des sanctions. La Russie a, par ailleurs, mis en garde vendredi contre les conséquences « irréversibles » de la politique de confrontation directe avec l'Otan à la suite de la crise autour de la Géorgie. « Nous estimons que toute nouvelle poussée de l'Otan vers la confrontation avec la Russie, toute pression sur nous sont inacceptables et peuvent avoir des conséquences irréversibles pour le climat politique et militaire, pour la stabilité du continent », a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe, Andreï Nesterenko. « La Russie attend de l'Otan une approche plus pondérée contribuant à une désescalade plus rapide et au règlement de la crise en Géorgie », a-t-il relevé. Ces dernières années, selon M. Nesterenko, l'Otan a agi à maintes reprises au mépris de la Charte des Nations unies et d'autres normes du droit international. « Elle n'a aucun droit moral de prétendre au rôle de mentor dans les questions internationales et d'évaluer le comportement d'autres Etats », a-t-il souligné. Selon M. Nesterenko, la décision de la Russie de reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud vise à couper court au génocide systématique des peuples abkhaze et ossète. « La décision russe se fonde sur les normes fixées dans la Charte des Nations unies, l'Acte final d'Helsinki, la Déclaration sur les principes du droit international et d'autres accords internationaux », a indiqué le diplomate. La Géorgie a lancé le 8 août une offensive militaire contre l'Ossétie du Sud et a pilonné Tskhinvali, la capitale, faisant des centaines de morts. Pour protéger les civils, dont la majorité possèdent la nationalité russe, la Russie a déclenché une riposte militaire de grande envergure que de nombreux responsables occidentaux ont qualifiée d'« usage disproportionné de la force ». Moscou, qui affirme avoir retiré ses troupes au-delà des lignes antérieures à la reprise des hostilités, a reconnu mardi l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud par rapport à Tbilissi. Nul doute que la tension demeurera encore vive. Mais jusqu'à quand, puisqu'il est difficile de vivre avec et que toute erreur peut être fatale ?