Petite bouffée d'oxygène pour le président géorgien Mikheil Saakachvili en plein bras de fer avec l'ancien grand frère. Mikheil Saakachvili en avait bien besoin depuis que sa cote a tout simplement chuté en raison de promesses non tenues. Une bien maigre consolation avec la victoire au parti au pouvoir de se retrouver en tête à l'issue des élections municipales de jeudi. Selon des sondages à la sortie des urnes, réalisés par des organisations non gouvernementales, le parti présidentiel a remporté 56 % des voix. Les élections municipales sont considérées comme un test du soutien accordé à M. Saakachvili dans un contexte de crise avec Moscou. Le président pro-Occidental, fervent partisan d'une entrée de son pays dans l'Union européenne (UE) et l'Otan, est confronté pour la première fois au verdict des urnes depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2004, au lendemain de la Révolution de la rose. Au même moment, la Géorgie, ex-République soviétique de quatre millions d'habitants, entamait sa troisième journée d'embargo, coupée de son grand voisin et 1er partenaire commercial, la Russie ayant interrompu toutes les liaisons maritimes, terrestres et aériennes entre les deux pays. Bien décidée à augmenter la pression, la Russie a indiqué jeudi qu'elle envisageait de limiter l'immigration des Géorgiens, déjà la cible de multiples contrôles depuis deux jours à Moscou et qui semblent plus faire les frais de la crise que leurs concitoyens en Géorgie. Un premier avion, avec à son bord deux cents Géorgiens expulsés de Russie, atterrissait dans l'aéroport de la capitale Tbilissi. La Russie étudie aussi un renforcement des contrôles bancaires, au-delà du gel déjà décrété des mandats postaux, qui pourrait inclure un blocage des virements bancaires vers la Géorgie. La mesure porterait lourdement à conséquence, de nombreuses familles vivant sur l'argent envoyé par leurs proches de Russie (350 millions de dollars en 2005, selon les données officielles). Dans Kommersant, le président de la communauté géorgienne en Russie, Teïmouraz Stutura, a affirmé que « dès que les policiers voyaient un nom géorgien, ils déchiraient leurs papiers ». Selon le Centre culturel russo-géorgien de Moscou, les Géorgiens sont quelque 800 000 en Russie, dont plus d'un demi-million de travailleurs immigrés. A la veille de cette consultation, la Russie avait menacé la Géorgie de nouvelles sanctions. « Je ne conseille à personne de s'adresser à la Russie en recourant à la provocation et au chantage », a lancé Vladimir Poutine à l'adresse de la Géorgie. Auparavant, Mikheïl Saakachvili avait déclaré sur un ton similaire que la Russie ne pouvait pas continuer à « intimider (ses) voisins ». Les députés russes se sont joints à la colère du président Poutine en adoptant une déclaration dans laquelle ils demandent des sanctions « encore plus sévères » à l'encontre de la Géorgie si le président Mikheïl Saakachvili poursuit sa « politique anti-russe ». Tbilissi a à nouveau menacé mercredi Moscou de s'opposer à l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) alors que les deux pays connaissent une grave crise diplomatique. « Tbilissi peut bloquer le processus d'adhésion de la Russie à l'OMC », a déclaré le président de la Banque nationale de la Géorgie, Roman Gotsiridze. La Géorgie, pays membre de cette organisation, avait déjà annoncé en juillet la suspension d'un accord bilatéral, conclu précédemment avec Moscou en vue de l'entrée de la Russie à l'OMC, mais qui lui laissait la possibilité de revenir sur sa décision. La Russie doit encore conclure des accords bilatéraux avec quatre pays (Etats-Unis, Costa Rica, Moldavie et Géorgie) pour son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce. Les négociations avec Washington sont cependant considérées comme l'obstacle le plus ardu à franchir pour la Russie. Quant aux origines de cette crise qui couvait, selon nombre d'analystes, elles sont diverses, et même quelconques. La Géorgie parle d'espionnage, mais le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a lié l'arrestation de quatre officiers russes en Géorgie à la visite effectuée « juste » avant à Washington par le président géorgien et à la décision de l'OTAN d'intensifier ses relations avec Tbilissi. « Le dernier épisode (avec les Géorgiens, ndlr), avec enlèvement de nos officiers, est intervenu justement après la décision de l'OTAN de présenter à la Géorgie un plan de coopération intensive et, en plus, juste après une visite de Mikhaïl Nikolaevitch (Saakachvili) à Washington », a déclaré M. Lavrov. « Nous prenons note des assurances de nos collègues américains sur le fait qu'ils ont dissuadé et continuent de dissuader la direction géorgienne de commettre toute action brusque mais chronologiquement tout s'est bien passé comme je le dis : le voyage à Washington, la décision de l'ONU, la prise d'otages. » L'affaire semble en tout cas bien sérieuse, et elle ressemble déjà à cette fameuse bataille entre le pot de terre et le pot de fer. La suite est connue, mais faut-il pour autant assimiler cette affaire à cette histoire. La politique mérite une toute autre lecture, et pas de simples raccourcis. Plus clairement, que cherche le président Géorgien et que veut Moscou, elle que l'on dit fortement opposée à l'extension des frontières de l'OTAN, ou encore qu'elle entend conserver des abcès de fixation dans les anciennes républiques de l'ex-URSS ? Il y a aussi la question du séparatisme de certaines républiques perçues par la Géorgie comme autant de points de fixation russes sinon pro-russes sur ce qu'elle considère être comme son propre territoire. Mais cela ne devrait-il pas être lié plus simplement à des questions d'ordre intérieur ?