Les usagers de la RN1 éprouvent un immense plaisir à marquer une halte de contemplation inhabituelle à l'entrée est de la ville de Médéa, au niveau du rond-point. Là, à Aïn D'heb, une fontaine (fouara) vient d'être réalisée. Elle vient, il y a seulement quelques jours, de faire jaillir ses jets d'eau en une « architecture aquatique » multiforme et envoûtante, nommée nuage parce que faite d'eau. Le décor environnant, un vrai chantier, fourmille d'activité. Sur la gauche, en allant vers le sud, un projet de construction de 160 logements inscrits in extenso, in « contexto stricto-sensu » politico 2005-2009, dont une grande plaque, au fond vert dominant, renseigne sur la dimension environnementale qui, dit-on, constitue désormais une clause incontournable dûment transcrite sur le cahier des charges de tout projet ayant d'éventuelles répercussions sur le milieu. Sur la droite, l'histoire renaît de ses cendres : des murailles de pierraille encadrent superbement cet ouvrage semi-aquatique, la fontaine de l'entrée est de la capitale du Titteri, non encore baptisée. Une plaque de signalisation situe, à quelque 90 km au sud, le tombeau de l'illustre héroïne Lalla Fatma N'soumer ; une autre, l'antique centre-ville du Titteri, El Yachir. Des jets d'eau de hauteur appréciable, en forme de dôme, couleur de diamant, convergent dans une enceinte circulaire où se déversent à nouveau, vers l'extérieur, les flots. Les jets rafraîchissent l'atmosphère à plusieurs dizaines de mètres à la ronde. Une impression de microclimat et « d'heureuse humidité » renforce la présence de pelouses mais sans aucune note artificielle, une verdure qui semble s'installer pour de bon, tant le site paraît bien entretenu. Des fresques sur faïence renvoyant à diverses époques et phases de l'histoire du pays jalonnent le voisinage immédiat de ce chef-d'œuvre « jaillissant ». D'autres ponctuent le pourtour même de la fouara où le regard égayé erre au hasard de ces instants d'évasion que permet le temps d'un passage éphémère, sur des images d'hommes et de femmes berbères, turcs, andalous, diversement habillés. Plus loin, à une centaine de mètres, une grande fresque reproduit une scène de la fameuse bataille edekhla (l'entrée), livrée contre l'occupant français. De nuit, nous dit un riverain de ce joyau, « tout donne envie d'y rester ». « L'eau symbolise la vie et la sérénité. De nuit, dans un effet de halo, ces eaux jaillissantes se combinent à des jeux de lumière. Ce décor saisissant attire les curieux, les dégustateurs des beaux paysages et ceux qui, saison estivale se dérobant comme une étoile filante, sirotent un café peut-être après le f'tour de Ramadhan, rêvent de quelques moments bien mérités, juste à côté de chez eux. » Médéa, cette ville millénaire et accueillante, à 1000 m d'altitude, mérite de longue date que ses accès soient rénovés à l'image de sa longue histoire enfouie, comme ailleurs, dans les vieilles médinas, sous les décombres de l'amnésie.