Ceux qui le connaissaient parlaient peu de lui, ceux qui ne le connaissent pas sont étonnés que les journaux lui rendent hommage après sa disparition au début de ce mois de décembre. Mohand Ouyahia n'aimait pas qu'on parle de lui. Il a toujours recherché l'anonymat et la discrétion, mais il est parti avec les regrets de milliers de personnes qui lui ont organisé des funérailles dignes de son rang. Il était parmi les plus percutants intellectuels, les plus prolifiques auteurs de sa génération. Il s'est éteint à l'âge de 54 ans, alors qu'il pouvait encore donner beaucoup à la culture algérienne. Son immense culture est répercutée dans ses pièces de théâtre, plutôt des adaptations que des créations, une manière pour lui de tirer profit des expériences des autres et aussi « de remplacer nos vieilles références culturelles par d'autres références moins désuètes ». Mohand Ouyahia était un visionnaire, un politique perspicace. « Je trouve à peine la force de dire qu'il faut quand même oser regarder loin devant soi. Il me semble que le prochain grand rendez-vous de l'Algérie avec l'histoire sera celui de l'après-pétrole. » Les malheurs des Algériens viennent, d'après lui, de la rente pétrolière qui « autorise le pouvoir politique algérien à persévérer dans ses fuites en avant ou à se livrer à des contorsions ». Intellectuel et critique virulent de sa société, Mohand Ouyahia est également déçu par ceux à qui il s'adressait. En France, les gens de son entourage, qu'il appelait les « brobros », ne l'entouraient pas en fait. Au pays, on leur reproche leur manque de solidarité à son égard ; atteint d'une maladie incurable, neuf mois à l'hôpital et ses admirateurs ne le savaient pas. Défenseur inlassable de la culture populaire, il avait lancé un mouvement tendant à la redynamisation et la valorisation de la culture de millions d'Algériens. Il est attendu que ses amis fassent œuvre de reconnaissance et de diffusion de ses produits. Sa pensée est à découvrir.