Afrique: l'Algérie reste engagée à défendre les idéaux du MAEP et à assurer son succès    Timimoun : commémoration du 67è anniversaire de la bataille de Hassi-Ghambou dans le Grand erg occidental    Accidents de la circulation en zones urbaines: 11 morts et 418 blessés en une semaine    Air Algérie: annulation de deux vols vers Paris en raison des conditions météorologiques défavorables    Le Conseil de la nation prend part à Montréal à la 70e session de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    Le ministre de la Santé met en avant les progrès accomplis par l'Algérie dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens    Entrée prochaine de la première startup à la Bourse d'Alger    Le Général d'Armée Chanegriha préside la cérémonie d'installation officielle du Commandant de la 3ème Région militaire    Touggourt : une quinzaine de participants à l'exposition de dattes à Témacine    Khenchela: 175 foyers de la commune d'El Mahmal raccordés au réseau du gaz naturel    La CPI émet des mandats d'arrêt contre Netanyahu et son ancien "ministre" de la Défense    Meilleur arbitre du monde 2024: l'Algérien Mustapha Ghorbal nominé    Une action en justice intentée contre l'écrivain Kamel Daoud    Le recteur de Djamaâ El-Djazaïr reçoit le recteur de l'Université russe du Caucase du Nord    Attaf reçoit l'envoyé spécial du président de la République fédérale de Somalie    Foot féminin: maintenir la dynamique du travail effectué pour bien préparer la CAN-2025    Palestine: des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa    La liste des présents se complète    Combat de la spécialité muay thai : victoire de l'Algérien Mohamed Younes Rabah    JSK – PAC en amical le 21 novembre    La 3e édition du salon «Algeria WoodTech», prévue du 23 au 26 novembre    Poutine a approuvé la doctrine nucléaire actualisée de la Russie    L'entité sioniste «commet un génocide» à Ghaza    Un nourrisson fait une chute mortelle à Oued Rhiou    Sonatrach s'engage à planter 45 millions d'arbres fruitiers rustiques    Campagne de sensibilisation au profit des élèves de la direction de l'environnement de Sidi Ali    Liban : L'Italie dénonce une nouvelle attaque «intolérable» de l'entité sioniste contre la Finul    Sonatrach examine les opportunités de coopération algéro-allemande    Semaine internationale de l'entrepreneuriat    Il y a 70 ans, Badji Mokhtar tombait au champ d'honneur    L'irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la Francophonie (III)    La femme algérienne est libre et épanouie    Foot/ Qualif's-CAN 2025: Amine Gouiri, troisième meilleur buteur avec 4 buts    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Violence : Une prescription de fragilités
Publié dans El Watan le 09 - 09 - 2008

La sidération et l'attente sont des marqueurs émotionnels dominants après un acte terroriste. Beaucoup de personnes se trouvent saisies par la proximité de l'effroi et d'autres encore seront captées par le travail de l'imaginaire et par l'infranchissable représentation de l'horreur.
Par Mourad Merdaci (*)
Car toute mort violente est horrible par sa nature et par son effet. Au-delà de ces morts surgissent les ruminations silencieuses et le bruit de la détresse. Nous devons alors condamner, réfuter et essentiellement comprendre. Ce travail de questionnement, de décryptage et de recoupement paraît indispensable pour rendre lisible le processus de la violence, sa finalité et ses modes opératoires.
Une adversité furtive
Les affrontements qui ont pu opposer les représentants de l'intégrisme islamique aux forces de la République sont vidés de leur fondement politique et idéologique. Les ténors médiatiques de l'Etat islamique sont aujourd'hui ralliés au consensus modérateur de la réconciliation nationale et se trouvent de fait adoubés par un Etat bienveillant et protecteur. En matière de pratique terroriste en Algérie, un déplacement des modalités opératoires est à souligner qui concerne le passage de l'organisation militaire ou paramilitaire, les chefferies notoires politiques et militaires (Mezrag, Abderazak le Para, Hattab, Ali Benhadj ou encore le sinistre « tôlier ») vers la formule individuelle, anonyme, imprévisible et intangible. Il n'y plus de « chefs de guerre » mais une délégation institutionnelle d'un pouvoir de destruction supranational aux frontières indéterminées.
Ainsi, sous le label Al Qaïda, le kamikaze est un être sans identité, sans ressort personnel, sans appellation et sans visage. Les experts en stratégie sécuritaire doivent intégrer la mesure des risques, les systèmes de prévision, d'intervention d'urgence et de renseignement à développer pour accompagner l'efficacité redoutable des agents furtifs du terrorisme. Car il ne s'agit plus de contrecarrer des procédés lourds de guerre classique ou même urbaine, mais une capacité de mobilité, d'infiltration et de répétition. L'effet de récurrence, l'identité des exécutants, les scénarios de mise en actes et les cibles doivent également situer une lecture potentielle des tactiques de distribution de la terreur.
A son apogée, l'intégrisme islamique employait des chefs de groupes terroristes qui assassinaient publiquement les jeunes filles qui ne portaient pas le voile, les poètes, les enseignants et les journalistes. La chronique de ces forfaits est vérifiable. Aujourd'hui, dans le climat opaque de la réconciliation, les règles de l'affrontement sont indistinctes, les motivations du combat irrationnelles, les agresseurs et les victimes virtuelles.
Une prescription de fragilités
J'ai signalé dans une récente contribution le travail de fragmentation à l'œuvre dans les dimensions complexes de la vie psychosociale et politique en Algérie. Cette fragmentation est source de déchirement, de désenchantement et de désaffiliation. Il s'agit d'une décohabitation des sens, des émotions, des valeurs et des paroles où beaucoup d'Algériens ont cessé d'appartenir à ce pays et se trouvent candidats à l'exil. La terreur est une prescription de fragilités. Ces fragilités de nature affective, sociale, défensive, politique, économique et mentale sont diffusées à toutes les dimensions de la vie nationale et rendent illusoire l'unité et la cohésion identitaire. Nous ne sommes plus un même peuple, ni une même nation. Et nous ne référons plus des mêmes dogmes, ni d'une culture partagée ni d'une communion de destin.
Les gouvernants de ce pays ne semblent pas percevoir que la trame humaine de la société se démembre chaque jour en raison d'un partage inégal des richesses et l'affectation des prébendes et en raison de nombreux sentiments de réjection et d'humiliation. Même la mort n'est plus sacralisée ni parlée pour acquérir une valeur et un sens. Le deuil est proscrit. Le pacte social devient un pacte de violence sacrificielle développée comme un gage aux plus retors. La fragilisation psychologique provient de cette forme muette d'introjection de la douleur sans sanction de l'agresseur, sans détermination des attributs de la vie et de la mort. Le système de gouvernance actuel, fondé par le silence et le déni d'appartenance, légitime les inégalités nombreuses qui compromettent la coexistence des groupes sociaux.
Une catégorie du champ social, la plus instable, celle des jeunes adultes, est directement conviée à ce rôle victimaire de porter les contradictions des gestions sociales, politiques et culturelles. Faute d'avoir appris des formes de contestation politiques ou créatrices, elle s'administre une violence symbolique comme un essai de recommencement traumatique dans la formule de l'exil : la harga que les pouvoirs politiques voudraient pénaliser. Cette forme de contention est illusoire car elle ne régulera pas les motivations à la source du désir de fuite : disparités sociales et économiques criantes, inégalités de statuts humains, juridiques et politiques, sentiments d'exclusion et d'abandon, apprentissage de risques.
La harga figure alors un mode de colonisation d'un lieu pour délocaliser les ancrages douloureux. Il s'agit d'une périphérie, un contexte spécifique de reconstruction de l'unité interne et de l'identité sociale. Dans une réflexion de synthèse, G. Le Foyer de Costil observe que le terrorisme naît de la prohibition de la violence de l'Etat. En cela, il représente une privatisation de la violence collective. La législation algérienne semble institutionnaliser les formats indistincts du terrorisme en Algérie, sa férocité aussi, en prescrivant des attendus libératoires aux lieu et place d'une judiciarisation ferme et sévère des atteintes à l'Etat de droit. C'est un paradoxe moral et juridique. Car il est impossible de réprimer et d'amender dans un même mouvement.
De même, le cadre juridique que l'Etat infère dans le traitement du terrorisme et de la réconciliation n'est plus efficient dans la mesure où ils ne s'inscrivent plus dans une limite territoriale nationale mais internationale.Afin de préserver la vie des citoyens, il faudrait alors que l'Etat développe la même terreur face aux terroristes précisément, appliquer plus de la même chose, virtualiser la répression et réhabiliter la violence de l'Etat. Toutes les violences ne diront pas comment sera demain et quel héritage auront d'autres générations d'Algériens. Une culture de la haine réciproque s'élabore de manière pernicieuse et les régnants persistent à obturer la réalité.
N'est-ce pas le chef de l'Etat qui enjoignait aux jeunes, tout récemment, de ne pas voir ni tenir compte des fortunes fortuites ? Comment pourraient-ils gérer cette prescription de cécité et de négation du réel ? Il faut alors redire les choses : les jeunes Algériens sont particulièrement informés des fortunes subites et de la facilité qui est faite à certains de vivre. Le pouvoir doit s'affranchir de cette équation pour résorber la frustration contenue, élaborée dans le dénigrement des valeurs du travail et de l'école et dans les règles de la cooptation mafieuse et clanique.
Une centralité narcissique
Beaucoup d'Algériens sont affectés par le silence et l'impassibilité du président de la République qui a la charge constitutionnelle de représentation de l'Etat et du peuple. Dans tous les pays, la santé, la dignité et la vie d'un citoyen sont une affaire suprême. En Algérie, chaque jour annonce sa funeste litanie de morts, de tous les bords, sans que les agents de l'Etat et le premier d'entre eux viennent exprimer la compassion due aux victimes. Faut-il renvoyer cette stratégie de communication à ce qui la singularise le mieux, le travail de communication visuelle de l'image du président développé dans tous les médias ? Le président dans sa représentation nationale est renfrogné, imperméable et autoritaire tandis que le président dans le contexte international est avenant, humain et réceptif.
Le chef de l'Etat est dans une logique de centralité narcissique qui l'empêche de percevoir et d'entendre la douleur des autres. Seul compte le pacte avec les repentis ? Les Algériens doivent payer par leur endurance le prix des morts soudaines, de fractures irréparables, de souffrances indicibles. Pourtant, l'acte de parole du chef de l'Etat inscrit le pouvoir dans une surface de représentation concentrique. La capacité de dire et d'entendre prolonge la vie psychique et sociopolitique et informe la réciprocité de la gouvernance. L'acte de parole est également structurant qui inscrit une forme d'arbitrage et de médiation. L'imaginaire et la symbolique du pouvoir situent entre le Président et son peuple des contextes d'échange et d'effets spectaculaires nécessaires à la cohésion interne et à la reconstruction de la vie du groupe national.
Dans la conjoncture d'incertitude et de déchirement qui domine l'Algérie depuis plusieurs années, des paroles de ressourcement et de clarification paraissent nécessaires. Le chef de l'Etat pourrait y indiquer pour son peuple en quoi il est dans l'échec. Davantage qu'un partage politique, ce sera un partage éthique pour recouvrer le sens de la fonction présidentielle.Car la fonction présidentielle n'est pas une féodalité. Ni le Président un légat. Le président de la République peut-il s'arroger la latitude de placer la vie des Algériens dans une alternative de perte, que souligne l'actualité présente, de mise en risques et de finitude ? Engager les éléments les plus fragiles du peuple dans un simulacre de résistance héroïque ? De ces quelques aspects de la réalité oppressante, le chef de l'Etat a le devoir constitutionnel de rendre compte à son peuple.
Beaucoup de lectures dans les médias rapportent la perspective d'une fin de mandat et des explications que retiendra l'Algérie, son peuple, ses institutions diverses de plusieurs années d'errements politique et sécuritaire. Une tradition, typiquement algérienne, veut que tout responsable peut se départir de son mandat ou en être relevé sans présenter de bilan quelconque ni de justifications des investissements portés au nom de la République. Les citoyens-électeurs attendent de savoir quels usages traduisent le mandat qu'ils ont donné à leur Président. C'est le principe même du suffrage et de la démocratie.
(*)Psychologue clinicien, psychopathologue Maître de conférences HDR en psychologie clinique Consultant pour l'enfance et la famille


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.