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Plongée dans le Ramadhan des pauvres à Alger : Faire son marché quand on est « zawali »…
Publié dans El Watan le 13 - 09 - 2008

Sadaka yal moumnine », supplie la voix plaintive d'une jeune maman tenant un bébé, au marché des Trois-Horloges, à Bab El Oued. « Mon mari est mort et m'a laissée veuve avec quatre enfants », hurle la mendiante en pleurant, s'évertuant d'attendrir une procession de chalands qui ont le nez dans les étals et l'oreille moins attentive à ses suppliques qu'aux vociférations des vendeurs à la criée.
Des scènes devenues d'une affligeante banalité. A l'intérieur du marché couvert, les prix ne sont pas très encourageants : tomate 50 DA, haricots verts 80 DA, courgette 70 DA, poivron vert 80 DA... Les dattes caracolent à 360 DA le kilo, lefrik à 220 DA, la viande d'agneau à 480 DA, le poulet à 380 DA la pièce, la zlabia (certifiée 100% boufarikoise) à 130 DA… Un client plaisante : « La tomate est chère et le peuple est au rabais ! » Indigné par le chantage des tréteaux, un retraité lâche : « C'est scandaleux !
Nous sommes saignés par la flambée des prix et les contrôleurs du marché ne font rien. Nous sommes à la merci des spéculateurs qui, à chaque Ramadhan, font la loi. » Cet ancien employé de l'hôpital Mustapha souligne que sa pension de retraite, si elle a connu une légère augmentation, s'est vite heurtée à l'hystérie des prix et la mécanique de la surenchère marchande que rien ne semble pouvoir stopper : « A quoi bon relever les salaires si c'est pour assommer les salariés avec des prix aussi insolents ! L'huile est à 1000 DA, vous imaginez ! » « J'aurais préféré ne pas être augmenté et qu'à la place, on baisse les prix », poursuit notre interlocuteur, un couffin à la main qui réclame sa pitance quotidienne.
Du kilo à la livre
Un quidam renchérit : « Quand je suis acculé par la flambée des prix, je vole. Allah ghaleb. Je subtilise une tomate, une courgette, tout ce qui peut me tombe sous la main. » Sur des bouts d'ardoise, les prix bombent le torse. Un habitant de Bab El Oued nous assure que le marché des Trois Horloges est l'un des moins chers, sinon le moins cher d'Alger. Pourtant, certains chiffres déclinés confinent clairement à l'abus, comme cette tomate à 70 DA (contre 50 DA chez ses voisins) affichée par un marchand bien achalandé. Nous lui demandons la raison d'une telle hausse. Le marchand relativise : « C'est parce que c'est une tomate de meilleure qualité. Et puis, ce n'est plus la saison. » Pour lui, les prix se sont stabilisés et vont même continuer à baisser : « Déjà, comme ça, les prix ont baissé par rapport à la première semaine du Ramadhan. Les prix ne flambent que les premiers jours, c'est normal !
Cela est dû à la forte sollicitation des produits. C'est la loi de l'offre et de la demande. Après, ils chutent progressivement. Maintenant, la tendance est à la baisse. » Ce marchand de légumes est un témoin direct de la paupérisation brutale des ménages : « Je suis ici depuis 1990 et je suis témoin du déclin du pouvoir d'achat des Algériens. Les gens achètent de moins en moins de denrées. Avant, ils prenaient deux ou trois kilos par légume. aujourd'hui, ils achètent tout par petite quantité, généralement une livre de chaque. » « Avant, je m'approvisionnais à raison d'un camion de marchandises à moi seul au marché de gros et je le vidais rapidement. Aujourd'hui, on s'y met à trois et on peine à l'écouler. »
Faire son marché dans les poubelles
Un autre marchand témoigne : « Nous sommes régulièrement sollicités par des nécessiteux qui nous réclament des légumes gratuitement. Dernièrement, une femme avec sa fille, n'ayant pas l'air d'être de ces mendiants escrocs qu'on voit de nos jours, m'a demandé un concombre. Les autres jours, on peut se contenter de pain et d'une soupe. Durant le Ramadhan, on a besoin d'embellir un peu sa table, ce qui est difficile pour les familles démunies. » Et d'ajouter : « A 3h, l'heure de fermeture du marché, on offre nos invendus aux pauvres. » C'est aussi l'heure où des gens se ruent sur la benne à ordures du marché pour sauver quelque légume potable ou un poulet pas trop avarié, comme le soutient notre jeune vendeur.
C'est même devenu une image d'Epinal : ces scènes insoutenables d'hommes et de femmes qui viennent « faire leur marché » en furetant dans les dépotoirs attenant aux halles de fruits et légumes à la recherche de quelque déchet végétal à se mettre en pâture. En voilà un qui, de sa canne, tâtonne un vide-ordures jonché de sacs poubelles pour en sonder le contenu. Près des cités alentours, les poubelles sont pleines à craquer et les détritus envahissent les trottoirs. C'est une autre image récurrente du paysage ramadhanesque : celle de l'abondance vulgaire, du gâchis et du gaspillage indécent qui font systématiquement pendant aux couffins vides et aux ventres creux. Deux Alger dans une même galère. Pour notre interlocuteur, c'est la « lahfa », la voracité qui fait exploser la mercuriale durant le Ramadhan. « L'autre jour, j'ai vu une meute courir après un vendeur de diouls, vous vous rendez compte ? » dit-il avant de nous confier : « Il m'est arrivé de vendre plus cher que mes camarades, et précisément parce que c'est cher, les gens venaient acheter chez moi, concluant que ma marchandise est de meilleure qualité... » Halte devant un vendeur de volaille. « Les affaires marchent moins », dit-il. « Le prix du poulet a augmenté en raison de l'envolée des prix des aliments des volailles et les Algériens n'ont plus les moyens d'acheter la viande comme avant », ajoute-t-il. Son acolyte abonde dans le même sens : « Avant, les abats de volaille finissaient dans la poubelle. Aujourd'hui, tout se vend. Le cou est à 40 ou 50 DA, et les gens achètent. »
« Une paire de chaussettes, s'il vous plaît ! »
Au marché de Bab El Oued, on vend aussi des affaires scolaires, avec un léger différentiel comparativement aux tarifs pratiqués par les librairies-papeteries. Ainsi, le tablier scolaire côtoie la tenue de l'Aïd, le tout à des prix pouvant allécher les petites bourses. A un moment donné, un jeune nous interpelle : « Achetez-moi une paire de chaussettes, s'il vous plaît ! » Le jeune homme, la trentaine, tient une boîte contenant une paire de baskets neuves qu'il s'est payé à 850 DA et deux galettes de matlou' chaud. « Mais je n'ai plus d'argent pour les chaussettes », dit-il. Nous passons près du marché Nelson. Une femme d'un certain âge propose des diouls maison pour joindre les deux bouts ; un vieux a disposé sur un carton un fatras d'affaires scolaires qu'il revend pour une marge modique. Tout le monde vend à tout le monde. Peuple clochardisé. Nos trottoirs sont devenus des hospices de vieillards, le confort et l'hospitalité en moins. Que de personnes du troisième âge jetées sur la chaussée, dont beaucoup d'estropiés qui, ajoutées aux effets conjugués de l'âge et du dénuement, doivent subir les affres de l'infirmité. A l'autre extrémité de la pyramide des âges, une faune de mômes peuplent nos souks, mobilisés pour se livrer à toutes sortes de business pour pouvoir payer leurs affaires scolaires et les onéreux accessoires de la rentrée. C'est une autre image de cette pauvreté rampante qui lamine les ménages, poussant toutes les catégories d'âges à se prêter à de petits boulots afin de relever un budget grevé par les dépenses.
Ammi Mohamed, le peseur
C'est le cas de âmmi Mohamed, 72 ans, un homme jovial et fort affable que nous rencontrons sous les arcades de la Basse Casbah, près de Zoudj Ayoune. Ammi Mohamed arrondit ses fins de mois en tenant un cadran faisant office de pèse-personne à 10 DA la pesée. Un passant se dresse sur le plateau de l'instrument. Ses poignées d'amour affichent 100 kg. « Sans doute l'effet du kalb el louz », le taquine-t-on… Ammi Mohamed raconte : « Je suis à la retraite. J'ai travaillé pendant plus de trente ans dans le secteur du bâtiment. J'ai sept enfants. Les filles sont mariées. Quant aux garçons, ils ne font rien. Je fais ça pour ne pas rouler les pouces et m'assurer un petit bonus. » Pour âmmi Mohamed, ce n'est pas tant la paupérisation des Algériens qui est en cause mais la disparition de la « kanaâ », le contentement, la mutation du modèle consumériste poussant les Algériens à consommer sans mesure, faisant de celui qui ne possède pas de téléphone portable un démuni.
On longe la balustrade de l'avenue Zighoud Youcef donnant sur l'Amirauté. La vue est belle mais la vie l'est moins pour Messaoud, un bohémien errant, dans les 35 ans, qui ne cesse de sillonner le front de mer, torse nu et pieds déchaussés. Il parle un français impeccable et affirme être un ingénieur qui a « pété les plombs ». « Je me nourris des poubelles », dit-il, ajoutant qu'il boude les restaurants Rahma « parce que je mange peu ». Le voici s'arrêtant devant une poubelle à hauteur de l'hôtel El Safir. « Il y a de nouveaux trucs dans les poubelles », lance-t-il. Il s'empare d'un microprocesseur, le pose sur la rambarde et se met à envoyer des signaux aux bateaux qui mouillent au large. « Ma devise, c'est l'art et la nature », professe-t-il avant de nous demander si nous avions « quelque chose de chic » (sic) à lui offrir. Pauvre Algérie qui réduit à l'errance, à l'exil et à la folie, ses meilleurs ingénieurs !


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